
Célèbre auteur de polars, Harlan Thrombey est retrouvé mort dans sa somptueuse propriété, le soir de ses 85 ans. L’esprit affûté et la mine débonnaire, le détective Benoit Blanc est alors engagé par un commanditaire anonyme afin d’élucider l’affaire. Mais entre la famille d’Harlan qui s’entre-déchire et son personnel qui lui reste dévoué, Blanc plonge dans les méandres d’une enquête mouvementée, mêlant mensonges et fausses pistes, où les rebondissements s’enchaînent à un rythme effréné jusqu’à la toute dernière minute.
Portrait hiérarchique
Il adore jouer avec l’esprit du spectateur, ludiquement avec « Brick » et « Looper », ou à ses dépens avec « Les Derniers Jedi », Rian Johnson nous invite à présent dans un cluedo à taille humaine. Il nous malmène donc de bout en bout, le temps qu’on se raccroche à une idée et cette confusion qu’est l’enquête d’un homicide. Il aura beau partir d’un simple postulat, il dote son œuvre d’une aura rendant hommage au genre et aux récits épiques d’Agatha Christie Sous influence de la romancière et bien fidèle à sa démarche d’innover, il se permet ainsi de recontextualiser le cœur des enquêtes policières en mariant le ludique à la comédie. Et nous sommes forcés de constater que l’ensemble fonctionne, aussi bien dans la mécanique que dans l’écriture d’une intrigue qui sait évoluer et se détacher des clichés que l’on ne regrette absolument pas.

Le meurtre a toujours été une justification symbolique, notamment pour décortiquer ce que les personnes pensent et ressentent au fond d’eux-mêmes. Le réalisateur prend tout de même soin de brosser les caricatures qu’il place judicieusement à l’entrée, avant de les retrouver à un moment opportun. Ceux-ci reflètent la structure d’une société qui se déchire de l’intérieur. Il suffit de poser une grande famille riche, avec un héritage à la clé pour comprendre rapidement où les enjeux vont nous mener. Mais avec une mise en scène aussi pointu et qui ne laisse pas beaucoup de marge au spectateur, pas le temps de cogiter, l’heure à l’appréciation et la sensibilisation. En jonglant entre le glauque et le politiquement correct, le récit trouve sa voie sans vraiment se répéter. Mais l’intrigue aurait certainement mérité d’être écourté, car l’illusion peut se dissiper, si nos cerveaux s’habituent rapidement à la manœuvre du metteur en scène.

Incisif sur les moments clé, le film piétine parfois sur son casting un peu lourd à gérer. Personne ne peut refuser une telle communauté de célébrités derrière ces masques politiques, à l’image de l’Amérique d’aujourd’hui, mais on comprend que la plupart sont mis de côté pour avoir une meilleure vision de l’enquête. Il ne s’agit pas d’un travail d’équipe, car les films communiquent toujours avec un spectateur à la fois, d’où cette relation intime qui s’installe et qui concrétise le sentiment de satisfaction. On se place du point de vue d’un suspect, à défaut du détective qui a tout de Hercule Poirot ou de Columbo, avec une british touch. On se délecte de cette dynamique, mais un regret revient toujours nous hanter, quelque part entre la virtuosité de la mise en scène et sa redondance dans l’instant du récit.

« À Couteaux Tirés » (Knives Out) est donc une bonne comédie noire, laissant transparaître le malaise d’une Amérique divisée et rebelle. Les héros qui se révèlent témoignent de l’hypocrisie d’une nation qui aspire au pouvoir, sans partage et sans modération. Le sujet est plutôt frontal, mais aura le mérite d’être clair, tout en nous offrant une intrigue alléchante, mais qui ne nous laisse pas maître du sort des personnages. Nous sommes ce énième personnage, écrit dans le sous-texte d’une intrigue huilée et pragmatique. On recolle ainsi avec un genre qui surfe plus sur une tendance, malgré l’intérêt de Johnson. Les propos sont plutôt lourds à digérer et les coups de poignards narratifs ne frappent pas encore là où il faut, ce qui en fait un bon divertissement, mais oubliable.

Retrouvez également ma critique sur :
Super article 🙂 hésites pas à venir faire un tour sur mon site Intel-blog.fr et à t’abonner si ça te plaît 🙂
Merci beaucoup 🙂 Je ne manquerai pas d’y faire un tour.