Susana est mannequin à Paris. Quand sa grand-mère est victime d’une hémorragie cérébrale, la jeune femme retourne à Madrid pour veiller sur elle. Mais elle découvre que le comportement de son aînée est devenu étrange…


Les miroirs du temps

Note : 3.5 sur 5.

Les frissons que Paco Plaza a orchestrés pour son passager à Gérardmer se bonifient avec le temps. Il n’est donc pas anodin de le retrouver dans une thématique de fin de vie et de maturité, qui a tout pour plaire. Le metteur en scène du célèbre found-footage « [REC] », « Verónica » et « Œil pour œil » régale d’une tension palpable, dans un style plus épuré, mais qui ne manque pas d’efficacité lorsqu’il s’agit de faire monter l’adrénaline. Et le terrain de jeu du scénariste Carlos Vermut (La Nina de Fuego, Quién te cantará) permet de nourrir ce huis-clos d’une tendresse inattendue, rendant à la fois hommage aux interprètes et aux personnes du troisième âge. Nous ne nous égarons pas dans une cellule familiale pour rien, car toute l’émotion que l’on en tire vient de la chair, celle qui mûrit et celle qui pourrit.

La jeunesse est loin d’être éternelle et c’est pourtant le cœur de métier de la mannequin Susana (Almudena Amor), en pleine ascension dans le milieu. Mais à la frontière du succès et à l’apogée de sa beauté, elle est ramenée vers sa grand-mère Pilar (Vera Valdez), désormais dépendante d’une assistance humaine. En investissant les lieux du logement, toute la lumière qui lui apparaît est en réalité teintée d’une sombre tragédie, la même qui la guette dans sa carrière, à savoir la vieillesse. Nombreux sont les totems du temps qui passe et qui laisse derrière lui la fragilité du corps. L’illustration intensive continue, et de manière frontale, à l’image d’une ouverture qui a déjà déroulé tout son propos. La grand-mère fantasme sur la jeunesse, tandis que la petite-fille sonde la fatalité qui l’attend. C’est inéluctable et tout l’enjeu du mystère devient une obsession morbide pour filmer et comparer le corps de ces femmes.

Le jeu des comédiennes rattrape pourtant le tout, en détournant habilement la terreur comme une pensée personnelle qui affecte chaque personne qui redoute de regarder en face de lui. Un jeu de miroir unit donc les protagonistes dans un tourment similaire, mais qui est davantage subit du côté de l’invitée. Susana est sujette à des visions ténébreuses qui lui viennent du passé, du présent et du futur. Et la perte de ses souvenirs d’enfance ne serait-elle pas simplement le résultat d’une amnésie frénétique, en parallèle d’une « Abuela » en plein contrôle de son corps, que l’on croirait inerte au premier abord ? Le récit possède énormément d’interrogations de ce genre, sans se cacher derrière des symboles subtils. Une cage reste une cage, mais la prison mentale réside en réalité dans tous les plans, qui communiquent et qui se transforment au fur et à mesure que les corps se décompensent.

Plaza signe ainsi une bonne revanche avec ses récits de possession, où l’on tourne souvent autour d’une condition humaine incomprise. Ici, il met en valeur la bougie de trop, sans la sacraliser. Il en fait une source d’inspiration, qui terrifie le spectateur rien qu’à l’idée de regarder la dépendance de nos aînées, que l’on ne chérit pas assez ou que l’on faillit à entretenir. C’est en recollant tous les morceaux que l’on peut pleinement profiter d’un espace, pas aussi symétrique qu’on le croit, quitte à épouser l’étrangeté d’une relation qui suscite plus de frayeurs qu’une analyse poussée sur la fugacité de la beauté.


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