Athena


Rappelé du front à la suite de la mort de son plus jeune frère, décédé des suites d’une prétendue intervention de police, Abdel retrouve sa famille déchirée. Entre le désir de vengeance de son petit frère Karim et le business en péril de son grand frère dealer Moktar, il essaye de calmer les tensions. Minute après minute, la cité Athena se transforme en château fort, théâtre d’une tragédie familiale et collective à venir. Au moment où chacun pense avoir trouvé la vérité, la cité est sur le point de basculer dans le chaos…


La guerre de Troie a encore eu lieu

Note : 2.5 sur 5.

Qu’y a-t-il de plus chaotique qu’un incendie, celui qui constitue de foyer de tant d’autres ? De « Notre jour viendra » à « Le Monde est à toi », Romain Gavras fini par déambuler sur un recueil tragique pour y répondre, au nom du sang et de la violence, nés d’une opposition que l’on taira, simplement pour la beauté du spectacle. À la fois épique et intime, son processus ne lâche jamais ses personnages, habités par un désir de jeter plus d’huile sur le feu. C’est là où l’œuvre puise toute sa force, au carrefour du sensorielle, abandonnant par la même occasion de la jumeler à son propos. Il reste ainsi cette démesure d’une foule en révolte, rarement captée avec autant d’ampleur dans le paysage français, qui peut encore prétendre à un nouveau baroud d’honneur.

L’action prend place au cœur d’une banlieue en furie, premier et dernier bastion, qui évoque la fameuse cité Troyenne, dupée et rôtie pour une volonté qui n’est plus. Le doute plane sur une intervention policière qui tourne au drame. La dernière génération est incontestablement au cœur du brasier et leurs ainés cherchent désespérément des réponses ou à défaut un acte de satisfaction. Il s’agit d’une contradiction qui pèse déjà dans une ouverture intense, où le plan-séquence reviendra hanter chaque instant que les protagonistes partagent et subissent dans le même mouvement. Un commissariat en paie le prix, donnant ainsi un argument de plus au crédit d’une l’extrême-droite qui semble tout faire pour alimenter la même anarchie qu’elle combat. Pourtant, le film perd rapidement son point de vue sur l’humanité, celui qu’il est censé défendre.

La police continue d’être désincarnée, de même pour le pauvre Anthony Bajon qui encaisse difficilement la tenue de CRS. Mais ce sera surtout aux côtés d’Abdel (Dali Benssalah) et de ses frères que l’on navigue sans boussole, non pas pour créer de la confusion, mais bien parce que la confusion vient de là. Karim (Sami Slimane) reste aveugle dans une démarche, dont on adopte aucun recul et la masse qui l’accompagne est peu signifiante pour que l’on maintienne de l’intérêt pour leur foyer, assiégé et pris en otage. On sent pourtant de l’engagement, notamment en comptant sur Ladj Ly (Les Misérables) et Elias Belkeddar (Mes jours de gloire) à l’écriture, mais on a oublié de caractériser des visages ou encore d’étoffer l’emblème de l’insurrection. Cette maladresse ou ce parti-pris manque ainsi jouer la carte de la pertinence, malgré les pseudo-complots et autres trahisons, dont on ne retiendra que le ballet des artificiels au détriment d’un lyrisme qui se révèle tout autant superficiel.

« Athena » se refuse de donner un visage à la vérité et occulte par la même occasion les enjeux d’une guerre civile qui se dessine. Sans en faire un constat ou une justification qui vise le progrès, le film ne cesse d’accumuler des couches embarrassantes de la violence qu’il déploie avec une esthétique assumée, et donc avec une force authentique qui s’éloigne de la réalité. Que l’on soit dans un camp ou dans l’autre, c’est sur soi que l’on finit toujours par braquer son arme. Gavras s’y expose maladroitement dans le hors-champ de sa tragédie, loin de « La Haine », qu’il cherche désespérément à dompter.


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