
Les quartiers Nord de Marseille détiennent un triste record : la zone au taux de criminalité le plus élevé de France. Poussée par sa hiérarchie, la BAC Nord, brigade de terrain, cherche sans cesse à améliorer ses résultats. Dans un secteur à haut risque, les flics adaptent leurs méthodes, franchissant parfois la ligne jaune. Jusqu’au jour où le système judiciaire se retourne contre eux…
(Se) faire respecter
Perçu comme un cousin éloigné des “Misérables” de Ladj Ly, le sermon de Cédric Jimenez (La French, HHhH) ressert son étau sur une brigade aux méthodes douteuses. En adoptant pleinement le point de vue des forces de l’ordre, il menotte par la même occasion l’institution à laquelle le citoyen doit croire et soutenir, au risque de laisser émerger de nouvelles cascades de violence. Un maigre pitch fait donc l’affaire, lorsqu’on sent l’adaptation du fait divers prend le dessus sur sa portée juridique et donc politique. Cependant, il s’agit avant tout de transposer l’atmosphère phocéenne à l’écran et l’on y parvient avec un choix aigu des teintes chaudes, comme pour s’approprier les codes du western urbain et contemporain. C’est ainsi que le film se regarde, à l’abri d’une empathie, qui tient plus du fantasme que de la réalité des faits.

Les temps sont durs dans la deuxième ville de France. Mais cela se complique évidemment davantage pour Greg (Gilles Lellouche) et son équipe. Présentés comme des loups, ils se retrouveront rapidement dans un plus grand enclos jusqu’à devenir du pâté en conserve du peuple. C’est en direction d’un prompt virage que le récit avance et fonce allègrement vers la raison de son discours. La police est au cœur des débats, mais uniquement à travers les méandres d’un Greg muselé, d’un Antoine (François Civil) décoloré et d’un Yass (Karim Leklou) essoufflé. Le labyrinthe juridique se heurte à leur expérience de terrain, riche, diverse et souvent aléatoire. Ce qui ne l’est pas en revanche, c’est leur motivation à prouver leur utilité. En tournant autour des cités, comme pour tendre la joue, la goutte de trop se révèle aussi bénéfique que malheureux pour ces fonctionnaires engagées.

Le bouleversement de l’intrigue frappe au bon moment, à la suite d’un siège chargé d’adrénaline. Mais que reste-t-il des forces “maléfiques” ? Que reste-t-il de ceux qui peuplent les quartiers nords ? Pas de caractérisation pour ces derniers, si ce n’est de la rage et une masse hostile à tout ce qui piétine leur terre sacrée de business. La vision est limitée et ne permet pas de déplacer le débat jusque dans cet environnement. Nous revenons rapidement dans le dispositif immoral des responsables qui se cherchent des excuses sur l’autel de la corruption. Nous sommes en droit de nous demander si ce qui nous est présenté est légitime, mais les crimes ne sont jamais nuancés face à ceux qui campent le mauvais rôle. Il n’y a pas de jeu de piste pour douter de la sincérité des protagonistes. Ils ont une famille et des valeurs tricolores, qu’ils lèvent fièrement depuis leur commissariat.

« BAC Nord » n’est pas un hommage. C’est une sombre cérémonie qui agrémente cette défaillance dans le système, dans cette hiérarchie qui sacrifie ses pions afin de sauver la face. Par la même occasion, elle achève les policiers de la BAC, en leur enlevant toute la mobilité et la motivation qui les habitaient. L’enjeu devient psychologique et intimiste, comme pour lancer l’alerte. Dans les regrets et l’écartèlement des corps, la réception se voudra froide et amère pour ces survivants, car il serait impossible aujourd’hui de prétendre pleinement au titre de justicier sans se tirer une balle dans le pied. C’est ce que le Jimenez dénonce et c’est ce que son œuvre assume.

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