
1863, États-Unis d’Amérique. Dans un convoi qui progresse vers l’Ouest avec l’espoir d’une vie meilleure, le père de Martha Jane se blesse. C’est elle qui doit conduire le chariot familial et soigner les chevaux. L’apprentissage est rude et pourtant Martha Jane ne s’est jamais sentie aussi libre.
Comme un garçon ?
De retour du Grand Nord et de Saint-Pétersbourg, avec son « Tout en haut du monde », Rémi Chayé nous propose d’explorer le Far West, régi par les hommes et des terres inhospitalières. Et au milieu d’un convoi égaré par la bêtise humaine, on se permet de conquérir autre chose qu’une nouvelle vie o un nouveau foyer. Il s’agit d’une mentalité progressiste, véhiculé par l’intrépide et audacieuse Calamity Jane en devenir. En développant de près son enfance, avec tout ce qu’il faut en récits épiques et tragiques, l’argument nous promet des changements, des fissures dans les codes féminins et masculins. De même, le réalisateur prend soin de présenter la différence entre l’adulte et l’enfant, qui ne tient qu’à une poignée d’endurance, que l’on satisfait soit mentalement, soit physiquement.

Pour Martha Jane, être une fille n’a pas d’importance du moment qu’elle puisse mettre à profit son savoir-faire. En avance sur son époque et ses semblables, elle n’hésite jamais à provoquer ; L’arrogance se dissout alors aisément dans le courage qu’elle entretient. Pourtant, elle reste une enfant, innocente et pure. Nous la découvrons bagarreuse et surtout engagée dans une société, qui ne permet pas d’ascension, si ce n’est en échange d’une virilité bien placée et bien perçue. Les mœurs s’enchainent et à travers le regard attentif et curieux d’un enfant qui embrasse la cruauté de son environnement. Si on la laisse peu gagner en responsabilité dans son cercle familiale ou dans sa meute, elle finira par en avoir durant sa quête initiatique, où sa malice sera de rigueur, en plus de son énergie. Ses rencontres, toutes aussi improbables que bénéfiques, nous renvoient aux références du western de John Ford, notamment.

En quoi cette invitation nous séduit-elle, au point de défier la pathologie de la différence ? Que ce soit au niveau du code vestimentaire ou ailleurs, Martha y trouve de la praticité et ne revendique rien d’autre d’une liberté qu’elle s’accorde. Il s’agirait, en plus de cela, un moyen pour elle d’exister dans cet univers trop patriarcal et limité pour son ouverture d’esprit. Il y a donc quelque chose de satisfaisant de la voir arracher ce prestige sous le nez des hommes si confiance de leur suprématie et cachés derrière leur uniforme. L’héroïne nous incite ainsi à dépasser ce constat et à le rendre pertinent, à la fois dans une touche burlesque et épique, qui donnera de quoi redresser la tendance d’hier comme d’aujourd’hui.

« Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary », c’est donc une relecture intéressante de la conquête de l’Ouest. L’aventure d’une jeune fille s’abreuve, sans crainte, d’une émancipation aux stéréotypes et autres portraits caractéristiques de la violence humaine. Elle parraine ainsi tout l’espoir d’une génération à assumer sa féminité ou sa masculinité. Rentrer dans le moule peut s’avérer douloureux, mais ça l’est moins si l’on se forge le sien, avec ce qu’il faut de justesse pour se révéler indispensable et complémentaire pour son entourage. Elle tient les rênes et ne les lâchera plus, c’est la seule aux commandes de ses choix de vie. On le démontre magnifiquement ici, à coup de peintures colorés, laissant la lumière s’exprimer et les ténèbres se dissiper. Avec Martha Jane, on célèbre un avenir réussi et le portrait d’une femme accomplie.

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