Entre ciel et terre


L’épopée de Ly et de sa famille, avant, pendant et après la guerre du Vietnam. Sa lutte contre les troupes gouvernementales qui investissent son village, sa fuite à Saigon, son mariage avec un soldat américain, son depart pour l’Amérique et puis son retour avec ses deux fils.


Apaiser une cicatrice

Note : 3.5 sur 5.

Après « Platoon » et « Né Un 4 Juillet », Oliver Stone conclue sa trilogie sur les déboires de la Guerre du Vietnam et rapatrie le spectateur, lentement mais sûrement, en terre de délivrance. Pour cela, il s’inspire des mémoires de Le Ly Hayslip, « When Heaven and Earth Changed Places : A Vietnamese Woman’s Journey from War to Peace », qui aura vécu l’enfer pendant les affrontements. Alors que le conflit est d’ordre politique, Stone sait toujours se placer au niveau de l’individu, que ce soit au niveau du soldat sous son casque et son uniforme, comme il l’a très bien démontré dans ses précédentes œuvres. Et il se place dorénavant à la place du peuple, où l’occupation Viêt-Cong et Américaine auront bien influencé le mode de vie sur des terres de nature paisibles.

La violence morale frappe alors la vie de Le Ly (Hiep Thi Le) et de sa mère (Joan Chen). Nous nous plaçons au plus proche de cette famille, où la survie de la jeune Le passe par-dessus tout. L’expérience de Stone sur les drames du Vietnam aura de quoi toucher notre sensibilité, notamment sur les méfaits générés de l’extérieur comme de l’intérieur, sur des paysans qui ne convoitent rien d’autre que la paix. Mais voilà toute la problématique du conflit, qu’on ne reprendra pas depuis le début, car la paix n’est réclamée qu’une fois la guerre déclarée… En prenant ce point de vue vietnamien mais surtout féminin, on peut brosser un portrait de la femme entre devoir et indépendance. Si le premier acte s’attarde sur la réalité des faits, avec le doute de Le envers son pays qui se déchire peu à peu, notamment dans les zones urbaines où on nous emmène dans les recoins les plus sombres et les plus bordéliques. Mais c’est à l’arrivée d’un soldat américain bien ouvert d’esprit qu’elle finit par céder et d’accepter le tremplin vers un nouvel horizon.

Steve Butler (Tommy Lee Jones) l’extirpe donc de sa routine, qui la conditionnait à vivre dans le regret, mais sa conscience est encore mise à l’épreuve de l’autre côté du pacifique. On y redécouvre avec la caricature adaptée, la classe moyenne d’une nation qui se mord la queue dans sa surconsommation. Mais pire encore, on nous fait redécouvrir le mode de vie dans l’excès, illustrant avec pertinence l’incompréhension du conflit qui sévit de l’autre côté de la frontière. Steve est l’exception qui confirme la règle, ou sert justement à porter l’écriture vers la rédemption. Ce personnage insuffle l’espoir, mais lui également doute de sa noblesse. Il vit dans l’illusion de pouvoir faire le bonheur avec des mensonges. Les bonnes intentions peuvent aider, jusqu’à ce que les pseudos sauveurs-envahisseurs rejettent aussi Le pour sa différence et sa simplicité.

Ainsi, Le Ly ne saura jamais trouver l’apaisement au-delà des frontières, données dans le titre même et elle reste à jamais tiraillée « Entre Ciel et Terre » (Heaven and Earth). Deux mondes différents, où le paradis est un luxe qu’elle ne peut atteindre, car elle se trouve dans l’illusion de la culture occidentale, là où elle se fait rejeter, malgré elle. La relation bouleverse, mais il y a un manque de lissage dans ce récit trop dense et souffre d’un rythme trompeur dans un deuxième acte qui expédie trop vite les personnages vers leur destin. Tout cela a pour objectif de ne pas oublier les torts de chacun et d’apaiser les cicatrices de cet épisode douloureux pour une femme qui a cherché toute sa vie ce coin de paradis qu’elle mériterait.


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