L’Étrange Créature du lac noir (1954)


Dans les années 1950, une expédition en Amazonie découvre, grâce à des preuves fossilisées, un lien entre la terre et les animaux marins.


L’eau comme frontière entre deux mondes

Note : 3.5 sur 5.

L’étrangeté est un univers qui fascine, car on peut en faire l’interprétation que l’on souhaite, sans pour autant s’éloigner des notions et des valeurs que nous connaissons. Après « Le Météore de la Nuit », Jack Arnold propose alors une relecture subaquatique du mythe de « King Kong » ou encore de « La Belle et la Bête », où il explore la distance qui puisse exister entre deux types d’entités. L’homme et l’inconnu font rarement la paire, surtout si d’un côté, on se montre hostile dès le premier échange de regard. Celui qui porte cette fâcheuse marque est bien évidemment le bipède curieux que nous sommes. Et par le biais de cette ambition à vouloir repousser les limites du savoir, on finit par en perdre les repères jusqu’à délaisser une part d’humanité, qui justifie notre présence dans ce monde.

Le mythe d’une créature mi-homme mi-poisson dans les eaux troubles de l’Amazonie est l’une des croyances que l’industrie cinématographique cherche avant tout à propulser à l’écran. La richesse qu’on en tire est essentiellement technique, surtout qu’une grande partie des séquences se déroulent sous l’eau. On assiste à un ballet rythmé d’une espèce, loin d’être éteinte et qui se livre à ses pulsions qui définissent sa mentalité. Cependant, bien avant cette rencontre hasardeuse, nous suivons l’expédition du docteur David Reed (Richard Carlson). Il inspire aux valeurs scientifiques et à protéger la créature malgré ses sauvageries. Faute de quoi, le récit prend rapidement une tournure de série B, où les seconds rôles s’effacent peu à peu. Le scénario tourne souvent en rond, mais permet tout de même de nourrir une analyse intéressante sur l’approche de l’inconnu.

La peur est le premier réflexe lorsqu’on manque d’information pour justifier telle ou telle chose. De nos jours, il y aurait toujours une explication derrière chaque élément concret, comme pour chaque théorie. Or, la présence de la créature sous-marine soulève peu de réponses concernant ses origines, car là n’est pas l’essentiel. L’objectif est de décortiquer l’âme de cet être égaré et qui est simplement en manque d’affection. Il cherche à se faire désirer et à exister auprès de quelqu’un qui l’accepterait pour ce qu’il est. Kay Lawrence (Julie Adams) semble remplir ces conditions et se propose également d’endosser la figure féminine qui manque. Cette charmante demoiselle en détresse tisse un lien invisible qui n’est pas vraiment réciproque, mais il n’y pas plus de colère que de peur en elle. Bien qu’elle ne soit attirée en rien à la créature, elle ne le repousse pas pour autant. Peut-être le doit-on au personnage qui se veut aussi fragile que bruyante. Libre à chacun d’interpréter sa réponse, très radicale.

Le réalisateur continue d’explorer les eaux profondes où l’on cherche à identifier qui est l’intrus. Entre autres, les humains piétinent l’habitat de cette créature, tout à fait émotive. Ce que l’on retient, c’est que le prédateur n’est pas toujours celui qu’on croit, car au moment où la peur domine l’esprit, une divergence peut rapidement nous faire changer de bord. Puis nous devenons à notre tour prédateur et cela même en se cachant derrière l’excuse de l’autodéfense. « L’Etrange Créature du Lac Noir » véhicule à la fois une prouesse technique, mais également une métaphore très prononcée sur l’incompréhension. Sans avoir les clés qui ouvrent les portent de la curiosité et de la tolérance, il n’y pas de cohabitation possible.


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