L’Île éphémère


Au Laos, le Mékong en eaux basses. Sur une plage de terre, des hommes, des femmes et des enfants marchent, courent, pêchent ou jouent. Déplacement de la perspective, durée des plans, focale et vitesse transforment des scènes quotidiennes en une aventure de la perception.


Des silhouettes anonymes

Note : 3 sur 5.

Du bord du Mékong, fleuve qui traverse le Laos dans sa longueur, le réalisateur Kiyé Simon Luang n’aspire qu’à la reconquête de son pays natal. Il filme là un fleuve peuplé d’autochtones, qui se réjouissent de cet environnement, propice à leurs jeux. Mais derrière sa caméra, on y sent une envie, ou alors une profonde solitude depuis son point d’observation. Ce n’est pas pour autant qu’il souhaitait appartenir à ce cadre. Mais la question lui trotte indéniablement et à chaque seconde qu’il accorde aux anonymes qui le fascinent au loin, on le sent apaisé.

Initialement parti pour se recueillir et renouer avec ses racines, il scrute le mouvement, tel un essai expérimental, qui déborde d’imagination. Cela dépendra évidemment du spectateur, qui devra poncer l’image, pour y découvrir ce qu’il y a de merveilleux pour le cinéaste. Début de l’année 2004 à Vientiane, la capitale est derrière lui. Il ne faut pas s’attendre à y trouver des structures typiques. Seules quelques pirogues auront droit à une brève séquence, comme pour nous ramener sur la berge. Avant cela, l’objectif interroge l’œil du spectateur, attentif et observateur, des silhouettes qui se déplacent à travers un espace à la fois ouvert et fermé par la décrue du Mékong.

Les gongs d’une pagode voisine retentissent, des ralentis employés et l’illusion se renforce. Un zoom forcé rend le portrait plus abstrait, car tout sera de l’ordre de l’interprétation. On ne devine ni le pays, ni le lieu, sans avoir été renseigné ou sans en être familier. Il faudra ainsi faire preuve d’un sens honnête sur ce que l’on ressent, en se laissant posséder par un dépaysement à travers l’écran. « L’Île Éphémère » a tout du carnet de voyage visuel, un côté brut qui place les quelques Laotiens, venus se ressourcer dans un fleuve qui mute et qui partage ses richesses avec l’Homme un certain temps, avant de les rendre pleinement à la nature.


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