
Il y a ce que vous voyez, ce que certains souhaitent que vous voyiez, et ce que vous ne voyez pas. Jamais la France n’a connu une telle concentration des médias privés. Quelques industriels milliardaires, propriétaires de télévisions, radios, journaux utilisent leurs médias pour défendre leurs intérêts privés. Au détriment de l’information d’intérêt public. En cachant ce qui est essentiel, en grossissant ce qui est accessoire, ces médias façonnent, orientent, hystérisent pour certains le débat. Avec la complicité de certains responsables politiques, qui s’en accommodent volontiers. Mediapart et Premières Lignes vous racontent les coulisses des grands médias.
Liberté de capituler
« Qui a tué le débat public ? » Premières Lignes et Media Part s’alignent pour pondre un documentaire télévisuel dans les temps et donc à l’aube des élections présidentielles, probable tournant crucial dans la vie de citoyens, à qui on redonne du pouvoir. Mais la vérité est dans les coulisses d’une machine huilée et entretenue par une poignée d’individus influents, qui détiennent un monopole conséquent de l’espace médiatique. Il s’agit d’une réalité qui ne surprendra aucun spectateur qui se tiendrait occasionnellement informé de l’actualité. On ne souhaite pas entrer dans un discours complotiste, car les faits peuvent parler d’eux-mêmes. C’est pourquoi, l’œuvre ne constitue aucunement un objet cinématographique, mais plutôt un plaidoyer en faveur de la liberté de presse et en minorité une autopromotion des médias qui ont tiré sur le signal d’alarme.

Les journalistes et réalisateurs, Valentine Oberti et Luc Hermann, ne sont plus là pour sonder leurs propres lecteurs. En amener un outil aussi documenté sur le grand écran, il est évident que l’approche sera différente, car la problématique initiale ne peut être bouclé au bout du documentaire. Ils font se contenter de chapitrer des arguments, contés avec pédagogie et sous les témoignages de différents acteurs, voire victimes de ce qu’ils nommeront l’incendiaire, à savoir Vincent Bolloré. Sans refaire tout l’article et le parcours opportuniste du milliardaire, on en retiendra la pression qu’il exerce au sein des médias qu’il possède, manipule et censure. Rien de neuf donc. Mais l’appétit de la reconstitution accompagne le spectateur dans un débat qui pourrait lui avoir échappé. Et à juste titre, tout ce qui en découle mérite sans doute une écoute attentive à l’heure actuelle.

Mais n’est-ce point trop tard ? Le formalisme authentifié de cet outil d’investigation perd rapidement du terrain au fur et à mesure qu’il dévoile ses cartes. La barbouzerie pour Bernard Arnault et la complicité du gouvernement à l’encontre des médias indépendants pourraient former un tout, mais jamais elles ne communiquent étroitement pour justifier bon nombre de débats biaisés. Des experts et autres chercheurs reportent des actes autant condamnables que compréhensibles. C’est sur ce dernier point que toute la tragédie de la désinformation prend de l’ampleur. Cela interpelle le citoyen, non pas à se manifester ou de prendre les armes contre cette puissance si écrasante et imperceptible, mais en l’obligeant à prendre position et à ouvrir les yeux. Bien entendu, malgré quelques images inédites concernant la ministre des Armées, il faudrait avoir esquivé la question pendant un bon moment pour ne pas accepter la première source venue.

« Media Crash » incite au débat, certes, mais n’apaise pas pour autant la conscience de ceux qui défendent la juste cause du journalisme, jusque dans ses valeurs éthiques. Cela semble être une opération impossible, mais la rectification d’autant d’injustices passe par les clés de l’apprentissage. Ce documentaire ne se donne pas assez les moyens pour aider les citoyens à comprendre l’information, écrite, télévisé ou autres, mais ne le persuader de douter d’une démarche bancale et sous le joug d’actionnaires, nommés et étiquetés à leurs filiales, qui privatisent le temps d’antenne pour des intérêts personnels, au détriment de ceux qui font l’audience. C’est un premier pas à prendre, mais il ne faut pas s’arrêter là ou alors ce sera à la sortie de salle que tout le débat aura été étouffé.

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