The French Dispatch


Suites de petites histoires issues d’un magazine américain publié dans une ville française fictive du XXème siècle.


La Maladie d’Amour

Note : 2.5 sur 5.

De la symétrie parfaite, du déplacement horizontal et vertical, de la couleur pastel à une composition aux mille détails, du narrateur en voix-off et une teinture dont il en a la maîtrise… on ne s’y trompe pas, c’est Wes Anderson. Attendu à Cannes, attendu à chaque exposition, l’artiste Texan ne manque pas d’idées et de nuances, afin de fortifier son décor à la maison de poupée et d’accentuer la diction des dialogues. L’occasion de hurler sa passion pour la France et de rendre hommage au célèbre magazine New Yorker est à saisir, en trouvant refuge à Angoulême. Ce n’est donc pas étonnant de le retrouver là, dans une aura cosmopolite et donc le casting étoilé chamboule de nouveau la hiérarchie hollywoodienne. Il sait mettre en avant ses comédiens, toujours au service du récit et au service du format, qu’il continue de renouveler.

Mais n’arriverait-on pas déjà à bout de souffle de son art, celui qui nous prend aux tripes ? Il ne reste plus qu’une balade, que l’on connaît asse bien à présent. Soit nous finissons par nous en lasser, soit la surcharge esthétique ponctuelle de ses trois rubriques disperse leur pertinence et leur attention. Difficile donc, d’appréhender cette dernière œuvre, qui empoigne l’insolite et les beaux-arts par la peau du cou, non sans finesse et c’est bien ce qui atténuera la déception qui en découle. Ce que le cinéaste parvient à coucher sur l’écran prend la forme d’une lecture intrigante des valeurs de la rédaction, au sein de la French Dispatch. Le propos est cohérent avec son ambition, de même que ses personnages, qui ornent à tour de rôle les thématiques obstinant le réalisateur, à savoir la famille, l’amitié et l’amour. Tout cela passe par le prisme d’un développement individuel, qu’il a su transposer à merveille dans ses œuvres précédentes, comme « Moonrise Kingdom », « The Grand Budapest Hotel », « la Famille Tenenbaum », « Rushmore » et « Fantastic Mr. Fox ».

Il est donc dommage de voir ses propos sociaux et sa mise en scène se retourner contre lui. À force d’avoir poussé tous les curseurs à fond, plusieurs pistes nous détournent maladroitement du sujet, à l’image d’une narration qui s’éparpille. Les références se succèdent sans que l’on ne se pose sur le cœur du peintre meurtrier, des étudiants désenchaînés ou sur une formule gastronomique ludique. L’ensemble devient alors mécanique et ôte cette âme chaleureuse qu’on appréciait d’accompagner contre vents et marées. Quant à l’humour, il transpire dans ses tirades et a du mal à éveiller nos émotions. Pourtant, il y a de la matière qui profite à l’œuvre, comme un segment animé qui sort du lot et qui rappelle fièrement ces planches et vignettes franco-belges que l’on dévorait sans modération. Mais encore une fois, ça peine à se décoller de l’écran.

Ainsi, nous nous situons dans cette même vivacité avec « The French Dispatch », qui souffre d’une maladie d’amour sincère, mais qui empiète sur ce qui fait l’essence du cinéma d’Anderson. L’équilibre n’est donc pas tenu, faute d’excès. Ce qui est ironique, étant donné que les événements prennent place dans la modeste ville d’Ennui-sur-blasé, car au bout du chemin, c’est un squelette qu’on nous refourgue, froid et lisse. Dommage que le ressenti se tourne davantage sur l’anecdote que sur la portée symbolique et éternelle du fondateur du magazine et de ses fauves.


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Catégories :Comédie Dramatique, RomanceTags:, , ,

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