Avec un redémarrage tardif des salles de cinéma et donc avec une flopée sortis désastreux en streaming, l’année ne partait pas avec les meilleures chances possibles. Sans que ce ne soit flamboyant sur le territoire national, on finit par retrouver son public, le même qui veille à la bonne ambiance et à la bonne expérience collective.

En festival ou près de chez soi, il a été possible de (re)découvrir l’effet régressif, jubilatoire ou nostalgique du septième art, sous diverses formes et toujours avec une envie de revenir partager ces moments.

Voici ma sélection, où tout le monde devrait pouvoir trouver son bonheur. D’ailleurs, je ne vais pas me limiter à une dizaine de titres, car avec un catalogue de visionnage aussi chargé (plus de 160 films sortis et vus en 2021), il fallait bien gonfler un peu plus les recommandations.


25. La forme ultime de piratage à la sauce Cronenberg (le fiston, pas le père)

« Possessor » fait le point sur la vitalité d’individus conditionnés à obéir. La prise d’otage cérébrale devient alors le siège de toute cette psychanalyse, qui repousse les limites d’un sujet plutôt simple et le complexifie au rythme des battements des cœurs qui s’éteignent.
Vu au festival de Gérardmer
24. Un film de genre à la campagne

Peut-on réellement se défaire de cette spirale aveuglante et souvent sanglante, où le corps et l’âme se déchirent jusque dans les derniers mots, les derniers gestes et les derniers bourdonnements ? « La Nuée » y répond avec son lot d’hésitations, mais avec une audace rafraîchissante.
Vu au festival Plurielles
23. Un goût de chagrin

« Pig » est une œuvre qui apprécie de questionner chaque coup donné et donc encaissé. La vie n’est pas tendre pour ceux qui résistent, ni ceux qui tentaient d’y survivre. Fuir le passé ou l’environnement toxique qu’on lui associe rend imperméable aux émotions et à l’humanité, qui semble avoir quittées les hommes de cette odyssée.
Vu au festival de Deauville
22. Le Pouvoir Collatéral

« Le Dernier Duel » n’ôte rien de son côté épique qui fait plaisir à voir. Scott y injecte également cette aura chevaleresque au service d’un duel de regard efficace, où la possession des hommes résonne avec les valeurs des croisades.
Vu au cinéma
21. Partir en fumée

Inutile d’insister sur le caractère mordant de « Promising Young Woman », qui souligne également la grâce de ses interprètes. On déjoue des clichés et des codes pour mieux atteindre cette misogynie toxique et enfouie dans les âmes les plus perfides. Le message est bien passé et le film ne se contente pas de cela. Habilement, un socle temporel s’installe dans la demeure familiale et le récit laisse de la place afin de courtiser la distraction.
Vu au cinéma
20. Nostalgie d’une croyance

Par ses nombreux aspects repoussants, « The Matrix Resurrections » séduit, simplement parce qu’il sait pourquoi il est là et que ses enjeux sont au-delà de ce que la saga a déjà pu offrir. L’autrice est revenue pour sauver ses personnages d’un destin tragique, pour leur offrir une seconde vie dans les esprits, non pas à l’écran. Et c’est toute la nuance qui viendra chatouiller les plus sceptiques, qu’ils soient innocents ou inconscients.
Vu au cinéma
19. L’appel de la nature

« Le Peuple Loup » (Wolfwalkers) possède sa part fantastique et magique, avec toute la puissance de son discours salvateur, repositionnant la place de la femme dans la société, tout comme celui de tout être vivant, pouvant cohabiter, malgré un fossé culturel qu’il convient de combler avec quelques pas en arrière.
Vu au cinéma
18. Le deuil de soi

« Pieces of a Woman » naît une poésie et une grâce qui se paye au prix du chagrin. Le parcours intime d’une mère sonde le miroir de ses propres échecs et la réconforte dans son éveil de conscience. Et si l’accouchement à domicile a pu nous transmettre toutes ses pulsions les plus crispantes, il nous rappelle que toute cette vitalité ne s’est pas égarée tant que cela.
Vu sur Netflix
17. Australia

« The Nightingale » sonne la révolte contre l’oppression, celle qui a bâti le monde d’hier et celle qui s’est confortablement installée dans nos enjeux d’aujourd’hui. En évitant quelques écueils évidents et souvent mal interprétées, Kent parvient à trouver de la verticalité dans son format 1,37 pour mieux bombarder son cadre de haine et de châtiments, où la loi humaine a autant de valeur que le malaise qu’elle génère. L’impérialisme est ainsi à son meilleur rendu poétique et sert idéalement la culpabilité qui enrobe ce voyage cathartique.
Vu sur OSC
16. Pris à parti

Entretenir sa douleur constitue donc toute une affaire de point de vue. Et « Teddy », à l’instar d’un Dr. Jekyll et M. Hyde, met en lumière les difficultés d’une jeunesse, soumise à la bêtise et à la solitude en milieu rural. Avec une audace insoupçonnable, l’œuvre empoigne une agonie avec une lucidité bouleversante.
Vu au festival de Gérardmer
15. Les imbéciles consentis

« Bad luck banging or looney porn » emploie les caricatures avec le bon ton, inversant les rapports de force entre l’accusée et simplement des prédateurs grognards, prêts à sauter à la gorge de celle qui qui a consenti sa fellation, alors qu’elle leur renvoie chaque divagation directement dans le gosier. Le rictus se déploie à crescendo jusqu’à un lâcher prise bouclant cette mascarade comme un aveu d’échec, avec des individus qui ne sont pas conscients des véritables obscénités qu’ils dégagent, en opposition avec la sextape d’ouverture, finalement plus anecdotique.
Vu au cinéma
14. En transit

Cela fait un moment que l’on reconnaît une certaine vertu à Zhao, qui a su mettre en valeur ce patrimoine américain délaissé par le nouveau système, où la réussite des zones urbaines prive d’autres contrées de leur propre richesse et parfois de leur humanité (Les Chansons que mes frères m’ont apprises, The Rider). « Nomadland » ne se détourne pas de cette voie et pose un nouveau testament sur une tragédie moderne et omniprésente.
Vu au cinéma
13. Un rêve de liberté

« Le mystère de la vie n’est pas une question à résoudre, mais une réalité à vivre ». Ce sont des mots qui prendront évidemment tout un sens, si l’on parvient tout d’abord à rendre les premiers témoignages évangélistes crédibles et envoûtants. Oui, les promesses tiennent bon et l’enchaînement des plans n’est jamais paresseux. Les enjeux se renouvellent avec une facilité déconcertante, qu’on en oublierait que deux heures et demie nous serons tombés dessus et qu’il faille de nouveau vaquer à nos occupations, jusqu’à ce que le véritable défi ne commence.
Vu au cinéma
12. Punir le crime

Quelque part, « Le Diable n’existe pas » vient prolonger l’électrochoc enclenché par Saeed Roustayi avec « La Loi de Téhéran », cinq mois plus tôt, où la corruption et un litige judiciaire assumé venaient justifier la fuite des habitants dans la toxicomanie. Ici, ce sera davantage vers la nature sauvage que le refuge idéal permettrait se reconstruire. Rien d’absolu évidemment, mais même loin de l’influence de la violence, les cicatrices demeurent et sont rapidement remplacées par un autre type de douleur, où la communication blesse et que le contact n’est plus une option de réconciliation. C’est une tragédie qui dénonce la cruauté, en marginalisant affectueusement la souffrance de ceux qui résistent, même juste un peu.
Vu au cinéma
11. Ice Man

L’expérience qu’est « Le Sommet des Dieux » emmène ainsi les spectateurs au fond de leur siège, comme au plus haut sommet de l’animation. Nous restons donc là, pensif, immergé et éblouis par un panorama qui appelle nos sens à se développer, le temps d’une ascension vertigineuse que nous offre Imbert et son équipe. Si la thématique de la pseudo crise existentielle pourrait toutefois en rebuter plus d’un, il faudrait avant tout y avoir goûté pour se convaincre et rejeter tout nihilisme, évoqué à tort.
Vu au cinéma
10. À la recherche d’une boussole

Il y a un nouveau pont, une nouvelle passerelle que Zeller bâtit dans la justesse de sa pièce d’origine, qui nous inciterait tout autant à apprécier la prestation de Robert Hirsch sur scène. Mais « The Father » cherche indéniablement à occulter son sujet avec une plus grande proximité, une plus grande sympathie pour une galerie de personnages, qui vont et viennent comme des souvenirs et des conflits latents.
Vu au cinéma
9. À l’étroit

Anobli par William Friedkin, « La Loi de Téhéran » (Metri Shesh Va Nim) n’est jamais mécanique, si ce n’est pour en venir explorer la psyché d’hommes et de femmes, qui ont accepté le déni comme une illusion protectrice. D’autres s’abandonnent à une dépendance, qui reflète la maladie d’une société qui ne sait plus quoi faire et qui ne sait pas comment réellement agir pour que chaque action soit pertinente et durable. Rien ne l’est ici, tout réside dans l’instant, parfois si fin qu’il ne faudrait pas grand-chose pour faire pencher la balance et c’est dans une oscillation permanente que l’œuvre nous transporte, nous terrifie et nous chante son hymne le plus torturé.
Vu au festival du Polar de Reims
8. Fuir pour revenir

Mathieu Amalric confirme un certain zèle dans la réalisation et élève l’adaptation d’une pièce (jamais jouée) à un haut degré d’émotions. « Serre Moi Fort » se distingue sans tiret, comme pour isoler chaque entité de cette phrase, qui réclame pourtant une complémentarité. C’est là toute la subtilité du récit d’une femme qui s’échappe, pour finalement retomber sur ses racines.
Vu au cinéma
7. Enchaîné à la vie

Au détour d’un recul sur l’équilibre des forces mondiales, on se rend compte que son voyage mental reste alimenté par un seul ordre, mais également par le seul touché affectif qu’il semblerait avoir connu de sa vie d’adulte. Entre le devoir et le respect envers son supérieur, ou d’une autorité paternelle, le réalisateur parvient à émouvoir, à la fois dans un discours héroïque et tragique. Ces deux fonctions cohabitent dans la même hutte et dans un même corps, brisé par les épreuves et brisée par une solitude, qui l’a bercé depuis qu’il s’est engagé. « Onoda » est un électrochoc dans la sélection cannois, mais reste avant tout une démonstration de narration et de persévérance, rendue à ceux qui ne parviennent pas à lâcher leurs armes, au gré du réel et de la fiction.
Vu au cinéma
6. Beignet dans le rêve américain

« First Cow » est un conte habile et majestueux, qui ne revendique pas uniquement le portrait d’une masculinité déviante. C’est un western rustique, qui prend le temps d’explorer les limites de la conquête, sans oublier la noblesse de ses vertus. Chaque plan fixe évoque une nouvelle rencontre, tout mouvement est une découverte et toute création devient unique. Un beignet, c’est un plaisir sucré, mais il s’agit également de l’aboutissement d’une recette qu’il convient de revisiter. La réalisatrice ne manque pas de le souligner, d’un amour flagrant pour ses personnages et ce nouvel univers, qui a tout pour émouvoir.
Vu au cinéma
5. L’espérance de vie

« L’Événement » est une absolue leçon de courage et un constat déplorable sur un système qui ronge des droits fondamentaux. C’est un point de départ qui fâche, mais c’est également une réalité qui est dépeinte, dans l’horreur de la solitude, sans issue ou sans faiseuse d’ange pour ensuite contourner un corps médical rigide. La reconstitution est donc limitée pour que l’expérience immersive soit la plus complète, comme si le spectateur lui-même couvait cette douleur et son impuissance, en regardant Anne traverser les couloirs de son dortoir, de revenir encore plus affaiblie, dépassée et distante à ses cours, mais qu’à la fin, elle puisse peut-être s’affranchir de toutes ses contraintes.
Vu au cinéma
4. Mourir d’aimer

« Annette » souffre peut-être d’un manque d’émotion dans son élan, mais finit par s’envoler, dans un cadre qu’il exploite juste dans ses moindres recoins, piégeant chaque lueur d’espoir dans les ténèbres d’une coexistence, à première vue magique, mais rapidement compromise dans un boulevard purgatoire, en somme fascinante et conquérante.
Vu au festival de Cannes
3. I like to be in America

Ceux qui sont déjà passés par la case de 1961 s’amuseront ainsi à revisiter les lieux mythiques, du bal au balcon, où les promesses catalysent la tragédie de ceux qui ne parviennent ni à communiquer sereinement, ni à mêler leur culture. Mais les héros Shakespeariens sont en décalage, ou plutôt en avance, quelque part dans une symphonie qui leur accord l’écoute, le partage et l’amour.
Quand bien même certains passages perdent en saveur, Spielberg rééquilibre avec un second souffle la minute d’après, comme pour nous rappeler que ce « West Side Story » n’appartient pas qu’à lui, mais également à tous les artisans qui peuplent les univers du film précédent et cette version plus violente et moderne.
Vu au cinéma
2. The Worst Person in the World

De « Oslo, 31 août » à « Thelma », Trier a su élargir son éventail de nuances et « Julie (en 12 chapitres) » en serait l’exemple le plus illustratif. Cela ne reste pas moins saisissant et parsemé d’une volonté de réinterpréter le bouleversement de soi, qui ne se substitue jamais aux étincelles d’espoirs, qui déchirent le cœur de Julie. On rit, on pleure, on fatigue, mais mon avance, parfois en courant, souvent en hésitant, mais une chose est sûre, c’est que le monde ne s’effondre pas autour d’elle, il ne fait que rester en suspension, jusqu’à ce qu’elle souffle un peu pour elle-même.
Vu au cinéma
1. Rendre la réplique

« Drive My Car » est une sublime expression des sentiments, où la voiture rouge constitue à la fois le fardeau et la délivrance des héros. Celui ou celle qui tient le volant du véhicule n’est-il pas identique à la personne qui se livre sur scène ? N’y a-t-il pas un écho poignant dans un discours qui trouve le mot de fin, entre Yûsuke et le reflet de sa jeunesse perdue ? Ce sont des questions qui guident le récit, mais qui n’orientent jamais la trajectoire des personnages, qui ne cessent de rouler vers l’inconnu, vers le passé ou des fantômes. Il ne restera donc plus que des gestes, rayonnant d’onirisme, pour donner un sens au corps et rendre la voix à celui qui n’en a plus besoin.
Vu au cinéma

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