Petit retour sur cette 75e édition du festival de Cannes, car à peine arrivé, à peine reparti ! C’est déjà ma seconde participation d’affilée et je ne compte pas m’arrêter de sitôt.


Je ne suis pas resté toute la durée du festival, mais ce fut sept jours intenses et plein de surprises, aux détours du tapis rouge et autres expériences uniques sur la Croisette.

Accrédité « Cinéphile », j’ai pu découvrir 22 films : 9 en compétition, 4 en hors compétition, 4 de la Quinzaine des Réalisateurs et 5 d’Un Certain Regard.

Pas eu le temps de traîner sur la Semaine de la Critique ou la sélection Acid, mais je compte bien en rattraper une très grande partie, comme AFTER SUN et POLARIS.

Quelques court-métrages de la Semaine de la Critique, ainsi que de la Quinzaine viendront également gonfler le tout.


Commençons par la hors compétition !


Le film d’ouverture COUPEZ ! de Michel Hazanavicius (OSS 117, The Artist, La Classe Américaine) est à vivre dans une bonne ambiance collective. Bien que je préfère l’original de Shin’ichirô Ueda. Il est important de taire le concept du film pour pleinement profiter du spectacle, pourvu que l’on tienne la première demi-heure. Un discours méta et une ode à la création cinématographique sont à l’œuvre, tout en laissant traîner la question du remake, souvent imité, parfois inefficace et toujours embarrassant.

Sinon qui dit Cannes, dit tapis rouge. Et la meilleure montée des marches que j’ai vécue cette année, et en séance de minuit, fut celle de FUMER FAIT TOUSSER de Quentin Dupieux. Un casting incroyable et déjà une méga ovation avant le début du film et des fous rires tout le long de cette nouvelle création absurde. Ça ne mord pas, mais du moment que l’on rigole bien entre amis et en présence de l’équipe, c’est un luxe dont il faut profiter à fond !

NOVEMBRE, de Cédric Jimenez, reste moins bon que « Bac Nord » ou ce qui pourrait ressembler à « Traque à Boston ». Des personnages trop lisses et de la tension qui ne prend pas toujours, sauf dans les assauts policiers. Peut-être manque-t-on encore un peu de recul sur le fameux attentat de 2015 pour livrer une véritable implication humaine du côté de ceux qui n’ont tout donné pour venger le pays. Cela dit, nous ne traînerons pas dans les enceintes du Bataclan ou autres scènes de massacre. Ce sera bien une enquête policière qui nous attend, avec une charge mentale infernale, qui a de quoi séduire et rester efficace, si on n’en demande pas trop.

THREE THOUSAND YEARS OF LONGING, Tilda Swinton et Idris Elba dans un conte à base de djinn, trois vœux et trois époques qui se répondent. La mignonnerie du récit nous attrape, car elle est servie par un George Miller efficace, mais qui ne peut développer sa créativité à cause de toutes les ruptures de ton et dans la narration. Nous sommes loin de la course effrénée de « Mad Max : Fury Road », mais l’expérience féérique gagne à être découvert sur grand écran, rien que pour sa bienveillance !


Passons à présent à la compétition ! Le rendez-vous tant attendu par tous les professionnels du milieu et autres festivaliers.

En attendant la montée des marches…

ZHENA CHAIKOVSKOGO (LA FEMME DE TCHAIKOVSKI) hérite d’une photographie somptueuse et d’un regard pulpeux sur la personnalité d’une muse auto-proclamée. Kirill Serebrennikov, entre condamnation et assignation à résidence en Russie, foule la Croisette pour la première fois, malgré ses précédents films qui ont déjà fait le voyage (Le Disciple, Leto, La fièvre de Petrov). Cela n’empêchera pas une grande partie du public se faire rejeter par une mise en scène aussi extravagante, mais il y a des choses à découvrir dans cette petite histoire.

HOLY SPIDER (Les Nuits de Mashhad) prend le point de vue d’un tueur en série en Iran, qui nettoie les rues des prostituées. Sur son chemin, une journaliste qui croit en la justice explore un univers misogyne, où Ali Abbasi (Border) accentue le caractère amoral de la violence faite aux femmes. Un film coup de poing qui rappelle tous les combats menés dans l’Orient, où le voile ne masque pas assez le désespoir de mères, d’épouses et de femmes qui se soumettent au patriarcat sous toutes ses formes, afin de prolonger leur espérance de vie. Un film fort qui aurait toutefois mérité un développement plus long et subtil dans son dernier acte.

Ovation après la projection de EO !

FRERE ET SŒUR d’Arnaud Desplechin est le nanar cosmique de la sélection. Il faut déjà comprendre qu’il y a un penchant bourgeois larmoyant dans sa filmographie. Pourtant, en sachant cela et en sachant « Roubaix, une lumière », qui se démarquait un peu plus que les autres, personne n’était préparé à recevoir autant d’indigence en 1h40 de film, qui m’a très rapidement perdu dans les limbes. Si je n’arrivais pas totalement à somnoler face à des interprètes qui ne savaient pas qu’ils jouaient dans le même film, j’ai malgré tout réussi à trouver sourire par moment. Dommage que ce ne soit pas ce qui était recherché.

CRIMES OF THE FUTURE, le David Cronenberg, attendu avec appétit et surtout avec curiosité. L’art est dans le corps et la beauté intérieure passe par la chair et la chirurgie. Rempli de nuances et d’un message écologique fort, il continue de laisser la passion déchirer sa proie, nous spectateurs, qui faisons un état des lieux de notre métabolisme et de notre libido à en percer des crânes avec des perceuses non stérilisées. Le naturel est derrière nous et la body-horror constitue le principal catalyseur.

DECISION TO LEAVE, le dernier Park-Chan Wook ! Toujours aussi délicieux et lucide ! Sa mise en scène est une pure expérience en soi, bien que je lui trouve un peu de faiblesses dans le choix du scénario. Cependant, avec une élégance indéniable et une maîtrise absolue du cadre, le cinéaste finit par empoigner le spectateur de l’autre côté de l’écran. D’autres pourraient ne pas supporter le voyage, en revanche, mais l’expérience vaut le détour.

EO, mon gros coup de cœur de la compétition, avec un âne comme héros ! Jerzy Skolimowski multiplie les gros plans sur le désespoir de l’animal, dont on ne saura jamais s’il éprouve un besoin de renouer avec une nouvelle âme solitaire ou bien avec cet inconnu, qu’il sonde et qui le libère du joug de l’Homme. Eo est fatalement pris entre deux feux, entre la bienveillance et la brutalité d’un environnement qu’il ne peut que fuir, afin d’envisager un avenir, pourtant incertain. C’est toute cette tragédie qui anime le parcours de ce dernier, à travers les champs, les villages et les routes, où chaque escale est ponctuée par un jeu de regard entre l’animal et sa proie.

LE OTTO MONTAGNE du couple belge, composé de Charlotte Vandermeersch et Felix van Groeningen, est aussi vertigineux que leurs plans des montagnes. Une amitié naît dans l’enfance et se reconstruit à l’âge adulte. Une aventure au sommet, remplie d’amour et de peine, qui aurait été plus appréciable si elle avait été diffusée en milieu d’après-midi. Il n’empêche que l’on se laisse emporter par un récit simple, qui conduit inévitablement à l’ascension des émotions.

R.M.N. de Cristian Mungiu est un méli-mélo culturel, qui prend place dans un village roumain. Les étrangers comme les occidentaux ne sont pas les bienvenus. Le film est donc rempli de conflits, qui divisent la population, rongée par ses propres racines et ses envies de mondialisation. Les contradictions et les oppositions se superposent jusqu’à ce qu’il ne reste plus que la haine pour y mettre un terme. Nous sommes à la limite du conte et l’atmosphère contribue à ce mystère qui plane sur la situation ambigüe du village. Intéressant, mais toujours difficile à encaisser au bout d’une journée bien chargée.

TORI ET LOKITA des frères Dardenne, c’est du Ken Loach à la sauce belge. Quelques fois, ça fonctionne, mais cette fois, je n’ai pas réussi à rentrer dans le bain. L’immigration et l’insertion sociale sont toujours des thématiques récurrentes, dont il faut en prendre soin et faire évoluer avec malice. La radicalité du récit n’est pas à déplaire et la performance des deux interprètes également (mention spéciale au jeune Pablo Schils), mais il en faudra plus pour que ce film percute fort et reste dans les esprits.


Place à Un Certain Regard, la sélection qui sonde l’audace et l’originalité, sans oublier qu’elle regorge de premiers films.

Equipe de « War Pony »

LES PIRES, le bon gros feel-good movie de la sélection. À Boulogne-sur-Mer, des enfants turbulents vont se libérer grâce au cinéma et au duo de cinéastes Lise Akoka et Romane Gueret. L’immersion dans un rôle est le début d’une redécouverte de soi, de ce que l’on ignore réellement de son entourage et de nos sentiments, dont on comprend à peine les subtilités. Le message d’espoir passe par une belle démonstration de sagesse, là où la frontière de la maturité n’est qu’une illusion, ainsi qu’un autre argument, afin que la jeunesse puisse pleinement s’épanouir. Mon coup de cœur de cette sélection, qui a d’ailleurs été récompensé.


PLAN 75, enfin un bon film sur l’euthanasie, pas comme ce piètre « Tout s’est bien passé » de Ozon. Direction le Japon, qui vit mal l’entretien excessif du 3e âge et qui met en place une fin de vie programmée (et fictive), entre la nostalgie de la jeunesse et une envie de repousser l’échéance de la mort. Chie Hayakawa cherche ainsi à questionner ce droit à la mort et la responsabilité de l’état, notamment dans son pays, où la vieillesse est un sujet tabou. Elle apporte ainsi une tendresse folle, qui ne nous laisse pas indemnes.


Je parlerai le TIRAILLEURS, HARKA et de WAR PONEY dans des critiques complètes, car ils ne m’ont pas plus marqué que ça.


Finissons sur la Quinzaine des Réalisateurs, une sélection que j’affectionne particulièrement ! Tout ce que j’ai pu voir était une expérience unique et m’a bien fait cogiter.

L’ENVOL de Pietro Marcello en a fait l’ouverture ! Ce film d’époque a beau être aussi classique qu’on puisse l’imaginer, entre le conte et les images d’archives, mais il saura captiver. D’abord, grâce au premier rôle dans un long de Juliette Jouan, sublime et ensuite par le biais de la photographie, somptueuse, mélancolique et comme venue d’un autre monde.

LES CINQ DIABLES, le film de la sélection à ne pas louper avec Exarchopoulos, mais pas que ! Après « Ava », Léa Mycius combine la force du cadre et ses personnages tourmentés pour renforcer le jeu de persuasion de son récit. Une balade glacée et familiale qui croise et recroise les temporalités pour une expérience maligne. Pas un mot de plus, il faudra être patient pour le découvrir en salle !

THE DAM et la comédie musicale FOGO-FATUO seront également analysés en détail très prochainement.

Le blockbuster attendu sur la Croisette

Des analyses plus complètes sont à venir, car il me faut d’abord un peu de sommeil et un Top Gun : Maverick à rattraper !

Finissons alors sur une grande promesse, pour que ce soit plus sympa à suivre. Je ferai la prochaine édition jusqu’au bout et avec des mini-critiques à chaud tout au long du festival ! J’ai déjà hâte d’y être !


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