Paul Atreides s’unit à Chani et aux Fremen pour mener la révolte contre ceux qui ont anéanti sa famille. Hanté par de sombres prémonitions, il se trouve confronté au plus grand des dilemmes : choisir entre l’amour de sa vie et le destin de l’univers.
Le réveil du dormeur
La grève des acteurs a chamboulé tout le calendrier hollywoodien, repoussant notamment une suite des plus attendues, autant chez les lecteurs que les spectateurs. Sans ce contretemps, ce film n’aurait pas eu le même rayonnement en faisant face aux autres blockbusters du moment. Même aujourd’hui, pas de concurrence à l’horizon et Dune : deuxième partie profite de toute la visibilité nécessaire pour briller dans les salles obscures. Denis Villeneuve et ses scénaristes se sont donnés du mal pour que ce prolongement rayonne de la même intensité que la mise en bouche, il y a déjà trois ans. Pour les sceptiques, ce film entrevoit toutefois l’espoir de les convertir, mais les illuminés de ce « Spice Opera » n’auront qu’un petit pas à faire pour reconquérir Arrakis une fois pour toutes.

Reprenons là où nous avons quitté le duo mère-fils, recueilli par un Stilgar (Javier Bardem) plus apôtre que chef de guerre. Une place est donc vacante chez les autochtones, qui n’attendent que l’étincelle qui embrasera les flammes de la révolution. Et qu’en est-il de cette petite souris du désert, celle-là même dont les prophéties Fremen annoncent la libération de la planète ? Paul Muad’Dib (Timothée Chalamet) est inscrit dans cette trajectoire aussi rectiligne que tragique, et c’est notamment ce qui séduit dans les récits de Frank Herbert. L’héritier de la maison Atréides est ainsi livré au désert d’Arrakis pour se métamorphoser. D’abord comme un Fremen à part entière, avant de dépasser ce statut et avant de questionner ses responsabilités. Avec l’aide de quelques rites initiatiques et miraculeux, ce dernier finit par se hisser là où il redoutait lui-même sa présence, dans ce fameux rôle de messie, plus précisément du Lisan al Gaib, dont le pouvoir de prescience occulte presque tout l’intérêt que peut avoir l’épice dans la galaxie. Un jeu de pouvoir vicieux se met alors en place et tout cet épisode nous est conté de manière solennelle par la princesse Irulan (Florence Pugh), contrairement au format troubadour que le studio aux grandes oreilles préfère marteler dans le maigre espoir de nous envoûter.
La peur tue l’esprit et l’esprit peut tromper la peur. C’est en tout cas dans cette logique que Paul est amené à reprendre les armes mais rien ne presse. Villeneuve nous emmène au cœur des sietchs et en profite pour enfermer Lady Jessica (Rebecca Ferguson) dans un cocon. En manœuvrant dans l’ombre et en préparant le terrain pour la suite du programme, Paul a donc tout le loisir de contredire les non-croyants, du nord au sud, à l’éveil du guide spirituel qu’il représente. Des détails peuvent néanmoins freiner l’envol cette épopée, notamment via une narration précipitée par endroit, où le montage provoque des ellipses brutales et qui désamorcent presque entièrement la pertinence de la scène précédente. C’est le cas lorsque Paul est confronté à la culture Fremen, qu’il digère finalement assez vite, tout comme nous devons accepter cette romance à peine développée avec Chani (Zendaya). Plusieurs fois, on se résigne à accepter l’information comme elle vient. Il existe pourtant un regret lorsque la Némésis de Paul entre dans l’arène. Feyd-Rautha, avec un Austin Butler plus à son aise que Sting dans la version huileuse de Lynch, est le bad boy sadique un poil plus menaçant que le reste des Harkonnen. Ce dernier est à l’image des Sardaukars, qui ne sont pas non plus en mesure d’opposer la résistance que l’on attend d’eux. La main armée de l’empereur Shaddam IV (Christopher Walken) manque de trancher dans le vif, tandis que l’ordre Bene Gesserit perd peu à peu le contrôle sur l’avenir qu’elles ont bâti.
Et quelque part, on se demande toujours ce qu’aurait donné la vision barrée et hautement spirituelle de Jodorowsky. Mais c’est bien Villeneuve qui a l’opportunité d’achever ce que les cinéastes précédents n’ont pas pu concrétiser, à savoir édifier ce monument de la science-fiction à l’écran. Si l’on pourrait affirmer que c’est chose faite, il reste encore du chemin avant d’attester une telle suprématie. Si les chiffres valent mieux que des mots à Hollywood, les spectateurs retiendront au moins les fresques picturales que le cinéaste québécois laisse derrière lui. Il y a de quoi être subjugué par une telle prouesse, sachant le paysage cinématographique (et souvent superficiel) des dernières superproductions. Et la musique de Hans Zimmer nous bombarde les tympans dans les nombreuses séquences d’iconisation, mettant en avant la folie religieuse qui s’empare d’Arrakis. Aucune raison de s’en plaindre d’ailleurs, car il s’agit encore d’un argument en faveur de ce voyage messiaque, dont le registre spirituel ne pouvait trouver meilleur habillage sonore.
Le sensationnalisme prévaut sur l’action et c’est un choix audacieux qui a le mérite d’être contemplé avec simplicité. Même si on se passerait bien de certains dialogues explicatifs, nul doute que la puissance du long-métrage réside dans cet amalgame de visions, qui convergent vers un destin de plus en plus funeste. Reste que Dune : deuxième partie nous laisse encore sur notre faim, au terme d’un climax anti-épique et à l’aube d’un djihad conséquent. Si l’on ne peut pas tout à fait s’exulter et clamer une longue vie au roi, il est possible d’espérer une bonne santé et longévité pour ce mythe passionnant.

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