L’histoire de Mark Hogancamp, victime d’une amnésie totale après avoir été sauvagement agressé, et qui, en guise de thérapie, se lance dans la construction de la réplique d’un village belge durant la Seconde Guerre mondiale, mettant en scène les figurines des habitants en les identifiant à ses proches, ses agresseurs ou lui-même


“Laissez-passé”

Note : 4 sur 5.

Robert Zemeckis s’est tant diversifié dans une filmographie riche en émotions. Il revient tout de même sur les pas du drame, afin de restaurer la mémoire d’un homme qui a subi des préjudices physiques et moraux. Inspiré de faits réels, le récit retrace le parcours auto-thérapeutique de Mark Hogancamp, dans un univers peuplé de poupées, à l’époque d’une Seconde Guerre mondiale “modernisée”, là où les femmes auront bien plus d’importance qu’au premier abord. Il s’agit donc d’une guerre, où Mark incarne son propre héros dans un conflit intérieur, dont nous aurons souvent la comparaison avec les faits qui l’ont forcé à se terrer dans l’antre de l’imaginaire.

La reconstruction d’un homme brisé a ses limites et Zemeckis comprend les nuances qui existent entre le village de Marwen et la réalité. Il ne le dissocie à aucun et rebondit vers l’un de ces espaces avec subtilité. Bien entendu, nous pouvons toujours nous investir dans l’exercice de la comparaison, afin de remonter à la source du mal qui envoûte, ce patient qui gère en autonomie ses peurs et ses cicatrices. Le réalisateur nous convie à ce stratagème, basé sur l’introspection. Nous nous projetons alors de l’autre côté de l’écran, tout en subissant ces flashs qui hurlent au désarroi. La guerre est source d’inspiration pour ce personnage amnésique, mais qui ne relâche pas ses efforts pour aller de l’avant et donc de laisser le passé derrière lui. Il s’agit sans doute d’un élément essentiel dans le traitement de la violence, dépeint avec brutalité et capture du mouvement. De plus, Steve Carell donne un formidable cachet à Mark et son alter ego héroïque, le capitaine Hogie. Ensemble, ils affronteront le monde et la souffrance. Et c’est avec l’appui de femmes fatales qu’il se livre corps et âme, quitte à renoncer à l’un des univers que constitue sa vie en chute libre.

Mais en regardant sur un pied de recul, nous pouvons aisément observer que la survie du soldat en plastique est primordiale, quelle que soit l’entité qui tente de le protéger. Il se relève de chaque assaut, mais aura des responsabilités à assumer afin de pouvoir s’abandonner à la réalité qui n’a pas gâté Mark ou ses proches. C’est en tutoyant l’inconnu, qu’il trouve le réconfort, et surtout auprès des femmes, qui s’illustrent comme les protectrices des hommes et les adversaires idéales contre l’ignorance et la haine. Leur savoir et leur générosité n’as pas d’égal sur Terre, comme sur Marwen. Nicol (Leslie Mann) fait rapidement son apparition dans la vie de Mark et ce dernier progresse dans des relations qu’il croyait perdu à jamais. D’un autre côté, il ne faut pas négliger Roberta (Merritt Wever), celle qui lui fournit les meilleurs spécimens pour son atelier de l’imaginaire. Elle entrevoit des discours de motivation simple et surtout sur un ton humain. Non pas que le reste des protagonistes incarnent l’opposée de cette idée, mais son approche lui octroie une valeur ajoutée, grâce à sa sensibilité.

Par ailleurs, il ne faut pas considérer les multiples escapades pour de la folie, ce qui pourrait en effrayer plus d’un qui, inconsciemment, s’enferme dans sa bulle temporelle. Nous ne justifierons pas ce côté rêveur. Le metteur en scène rend ainsi hommage à cette qualité, qu’il codifie avec un drame abouti. Les personnages qui peuplent Marwen ont tout de même un devoir sacré dans la structure narrative, cependant le film manque parfois de subtilité, notamment dans l’utilisation de l’envoûtante Deja Thoris (Diane Kruger). Elle nuit évidemment à la progression de Mark dans son univers fictif, ce qui le freine évidemment dans une réalité qu’il ne contrôle plus du tout. Si chaque rencontre donne vie à un nouveau personnage, le récit ne néglige pas ceux qui ont laissé leur vie dans ce Marwen symbole de conflit intérieur et de seconde chance, repoussée à l’infini.

On en retiendra ainsi la virtuosité d’un Zemeckis sérieux et attentionné. Toujours accompagné de son fidèle compositeur, Alan Silvestri caresse toujours les notes avec une sensibilité qui nous rend tout aussi déboussolé que Mark, ce qui nous pousse intuitivement à l’aider à se relever, à chaque instant où il faiblit. Ainsi, “Bienvenue à Marwen” a su trouver la bonne pointure afin de nous guider vers la délivrance et le pardon, là où on ne l’attendait pas. C’est avec sincérité et autorité que le long-métrage défend l’identité et l’expression de genre. Mark pourrait être comparé à une personne bispirituelle, car ne prend pas de parti concernant le genre. Il reste ouvert au désir idyllique que l’on développe et il accepte son traumatisme comme il pardonne au regret, à l’échec et à la haine. Il laisse sa masculinité derrière ses talons et avoue son amour aux femmes, comme le réalisateur, considérant qu’il y a une réalité à rétablir entre le rapport des deux sexes, vis-à-vis de leur genre, que l’on assume ou non. L’art est tout en faveur de cette morale qui valorise la stimulation positive plutôt que d’insister sur les dénonciations, qu’on personnifie à outrance. C’est dans un grand spectacle de poupées qu’on aura une réponse puissante et honnête.


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