Maren part à la recherche de sa mère et rencontre Lee, un adolescent à la dérive qui va l’embarquer dans un road trip enflammé sur les routes de l’Amérique profonde. Leur amour naissant sera-t-il suffisamment fort pour résister à leurs démons, leur passé et le regard d’une société qui les considère comme des monstres ?


Un os à ronger

Note : 3 sur 5.

Qu’en est-il de la passion, naissant dans l’intimité de deux êtres à la dérive, mais qui peuvent toujours contempler ce même soleil sans pour autant rechercher le même horizon ? Le réalisateur de « A Bigger Splash », « Call Me By Your Name » et du pas très bon remake de « Suspiria » est un adepte des relectures, en passant également par l’adaptation littéraire, afin de se forger un univers, teinté de désirs. Luca Guadagnino Tente alors de répondre à sa problématique en rongeant les pages de Camille DeAngelis, jusqu’à sa moelle sentimentale. Le problème est qu’il ne parvient pas à concilier l’appétence des personnages et la caractérisation de ces derniers. Au-delà du road-trip initiatique, la source de malheur des jeunes « Bonnie and Clyde » ne trouve de l’écho que dans la subversivité, que l’on ne pense pas souvent à renouveler, avec le regard qu’il convient. En nous laissant une multitude de réflexions en suspens, le récit ne fait qu’émietter ses nombreux atouts et délaisse au passage de nombreux arguments de fascination.

Maren (Taylor Russell) trépigne de passer une soirée avec des amies d’école et du haut de ses 18 ans, elle prend ainsi la responsabilité de ses actes, les plus gourmands et les plus crus. Un drame la sépare alors subitement de son foyer et d’un père, qui ne laisse plus qu’une voix et des bribes de souvenirs pour espérer la reconstruction de sa fille, qui cherche autant à expliquer son identité vorace que des réponses sur ce qui stimule son appétit. La première partie dévoile tout un éventail envoûtant du genre horrifique, qui offre de la chair à digérer. Malheureusement, le mystérieux Sully (Mark Rylance) est bazardé comme une ombre sur la chaussée et on reprend la route, avec d’autres tracas, que l’on viendra désamorcer avec l’irruption de Lee (Timothée Chalamet), un vagabond qui partage le même désir que Maren, en consommant autrui.

Il est alors inévitable que l’un et l’autre vont finir par se consommer également, mais d’une manière plus poétique, si l’on croît les intentions du cinéaste et de son autrice. L’alchimie prend à peine entre ces deux jeunes adultes et leurs interprètes respectifs ne manquent pas d’apporter de l’énergie à leur partition. Hélas, quelque chose cloche dans ce voyage, qui multiplie le décor de plusieurs états, sans réellement avoir la sensation de les avoir traversés. On se complaint alors avec la détresse de Maren, qui souhaite prendre du recul sur sa trajectoire, pour le moins monotone, même dans sa phase d’ascension et de compréhension. L’intrigue ne lâche pas l’affaire sur son obsession, qui devrait interroger sa solitude au lieu de la transmettre au spectateur, qui aura déjà fait le tour de sa condition. Et du côté de son partenaire, il n’y a pas grand-chose à dévorer non plus.

La balade devient alors le pivot d’une contemplation, qui peine à captiver. L’Amérique rurale reste en arrière-plan du couple, en proie à leur pulsion, mais on feint de leur offrir un détachement spirituel avec leurs aînés. En somme, « Bones and all » n’oublie pas de laisser la chair s’exprimer, non pas pour capitaliser sur le style ou faire fuir les hématophobes, mais bien pour traduire l’angoisse de la survie et la nécessité d’assimiler les autres. Mais il oublie de s’attaquer à l’os, le morceau qui réclamait toute notre attention, avant que la banalité d’une romance vienne enterrer le film, dans un épilogue dramatique, convenu et malheureusement sans saveur.


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