Maja, gendarme maritime dans les landes, voit se réaliser son pire cauchemar : prendre sa retraite anticipée ! Thierry, son mari, a déjà prévu la place de camping et le mobil home. Mais la disparition d’un vacancier met toute la côte en alerte : un requin rôde dans la baie ! Aidée de ses jeunes collègues Eugénie et Blaise, elle saute sur l’occasion pour s’offrir une dernière mission…


Les dents de lait

Note : 2 sur 5.

Après une balade dans les Pyrénées, les frères jumeaux Ludovic et Zoran Boukherma continuent leur exploration d’une France rurale pleine de richesse. Cette fois-ci, il se rapprochent des Landes, en laissant derrière eux la malédiction du loup-garou « Teddy ». Le monstre sera un requin, qui ne peut que rappeler celui d’un Spielberg, dont les cinéastes fantasment les frissons et l’appétit. On en restera malheureusement là pour la qualité, qui se noie à vue d’œil, dans un méli-mélo maladroit, ne sachant pas poser son registre, ou pire, ne sachant pas faire respirer ses enjeux. Alors que l’on foule ce territoire sous-marin avec un zèle qui ne peut faire défaut à la curiosité, on se mord les doigts avec une grande confusion, chose qui ne devrait pas être aussi radicale, étant donné la portée du projet.

Il suffit d’une séquence, celle de l’ouverture, pour comprendre que nous naviguerons dans une tournée cheap et froissée, en tenant le spectre des « Dents de la Mer » par les couettes. Personne n’est résolu à trancher entre la comédie pastiche et un drame psychologique, où Maya (Marina Foïs) détient pourtant les clés de sa délivrance. Avant d’être un film de requin, celui-ci se place comme un vecteur de tragédie, là où l’héroïne échoue dans sa tâche et qui continuent de se faire renier par ses pairs. Nous avons donc presque deux visions de l’intrigue, qui entrent en collision, simplement parce qu’ils ne sont pas miscibles. Cette gendarme maritime est obsédée par sa tâche et croît fièrement servir le drapeau tricolore, là où d’autres ne visent que cette retraite inespérée, qu’elle peut toucher avant de souffler ses cinquante bougies. Il y a de quoi raconter quelque chose sur l’univers qu’elle fantasme et qui la consume, sur son lieu de travail jusqu’à l’implanter dans son foyer, où son mari Thierry (Kad Merad) attend patiemment de partager une vie de couple sans péripéties.

Il est d’ailleurs l’un des personnages secondaires des plus authentiques dans ses dires, car les réalisateurs affichent une envie d’hameçonner l’époque du récit à nos jours sombres, où l’écologie, le wokisme et le covid serviraient de bons repères. Et ils n’iront pas plus loin dans cette démarche qui amène ses sujets aussi aléatoirement que l’on passe d’une émission radio à une autre. De même, on ne prend pas le temps de développer Blaise (Jean-Pascal Zadi) et Eugénie (Christine Gautier), dont les comportements desservent toute tension. Les plans fixes et à focale courte en témoignent, car on en abuse dans tous les sens, pourvu que le style claque. Le langage cinématographie s’appauvrit alors ou se démène pour saboter toute tentative d’hommage, vue comme une parodie sans ampleur.

Nous assistons donc à une œuvre fauchée dans l’esprit, là où les Boukherma nous avaient pourtant régalés avec « Willy 1er ». « L’année du requin » est donc loin de la kiffance espérée, hurlant sa fable écolo-mordante. Il reste à la dérive, avec un sentiment de rendez-vous manqué, que ce soit dans un paysage revisité ou un paysage qu’on visite assez peu finalement. Le dénouement témoigne également d’un mauvais recul sur la présence d’un requin, essentiellement caractériser via un sonar, que le hors-champ aurait pu combler. Une chose est sûre, c’est que boire la tasse après une telle expérience a de quoi écourter notre lucidité et noyer nos espérances les plus folles, sous le soleil d’Arcachon.


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