Après avoir vécu un drame personnel, Harper décide de s’isoler dans la campagne anglaise, en espérant pouvoir s’y reconstruire. Mais une étrange présence dans les bois environnants semble la traquer. Ce qui n’est au départ qu’une crainte latente se transforme en cauchemar total, nourri par ses souvenirs et ses peurs les plus sombres.


La pomme du péché

Note : 3 sur 5.

Le retour d’Alex Garland reste un événement à ne pas manquer. Si l’on est resté sur sa faim dans « Ex Machina » et un petit peu déçu par l’orfèvrerie de « Annihilation », son passage à la Quinzaine fait plaisir, sachant qu’il revient avec les mêmes artefacts que ses précédents longs, à commencer par un travail d’ambiance qui détonne. Viscéral, entre voyage hallucinant et halluciné, son nouveau projet parsème les revers de la masculinité toxique et uniforme, tout en discutant la position d’une veuve, réfugiée dans un village aux visages familiers.

Au cœur d’un manoir qui se prête au jeu de l’épouvante, Garland viendra justifier nos attentes par une pure réflexion sur le mal qui sévit. La citadine endeuillée ne rêve que de tourner la page, mais une dose de culpabilité la pousse à explorer de nouveau la personne qu’elle était autrefois. Les films précédents présentaient déjà une étude ouverte sur la nature humaine, à travers le fantasme qu’on en fait, via une intelligence artificielle, ou bien par un traumatisme, qui se rapproche nettement plus de ce postulat de base. Harper ne cesse donc de fuir, une ombre ou une pensée qui dérange, la ramenant toujours dans son appartement londonien, où elle revit la chute de son mari. Ce moment est déjà ancré dans l’imaginaire fantaisiste du personnage, qui ne sait pas comment interpréter le drame. Sans faire l’état des lieux complet du couple qui se foudroie mutuellement, le récit campe derrière sa démarche polyvalente, qui ne lui vaut pas l’efficacité de son concept initial.

La photographie nous emmène à appréhender la flore comme un être surnaturel et omniprésent. Malheureusement, il n’en fait pas grand-chose, car le dénouement viendra de nouveau étouffer ce qui a très bien été construit dans les deux premiers actes. Bien heureusement, Jessie Buckley donne du corps à son héroïne, rongé par un patriarcat malpoli, passif, naïf, intrusif et qui hante ses nuits. Il ne faudra donc pas très longtemps pour que la silhouette de Rory Kinnear devienne l’écho qu’elle a généré un peu plus tôt dans un tunnel, lieu d’une démonstration sonore et visuelle d’une qualité rare et merveilleuse. Pourtant, le procédé se répète un peu trop souvent et tourne en rond, passé les moments où la profondeur de champ aura raison du spectateur, qui ne sait plus où placer son regard.

Faute de quoi, le final place le home invasion et le body-horror en pleine ligne de mire. La menace vient autant de l’extérieur que de l’intérieur. Harper, qui aura goûté au fruit défendu, ne verra que son reflet pour faire opposition aux « Men » de l’intrigue. Chaque visage est un masque pour tromper cette flamme, venue se ressourcer. Au lieu de cela, c’est un cauchemar qui l’accueille dans son cottage, où le rapport homme-femme accouche littéralement son traumatisme sur le parquet. La vulnérabilité de la dame est au centre d’un débat psychologique qu’il convient de sonder par l’effroi, ce que le film réussit dans un temps, avant de se retrancher là où tout a commencé, avec un mot de la fin qui blesse et semble trahir ce qu’il a longtemps cautionné.


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