Lyz, 15 ans, vient d’intégrer une prestigieuse section ski-études du lycée de Bourg-Saint-Maurice. Fred, ex-champion et désormais entraîneur, décide de tout miser sur sa nouvelle recrue. Galvanisée par son soutien, Lyz s’investit à corps perdu, physiquement et émotionnellement. Elle enchaîne les succès mais bascule rapidement sous l’emprise absolue de Fred…

Le Loup et la Montagne

Note : 3.5 sur 5.

Nous aurions beau de ne pas être familiers au ski et à son environnement, mais le premier-long métrage de Charlène Favier y trouve sa voie, une descente avec sa ligne d’arrivée et ses limites. Il est d’ailleurs probable que ce soit douloureux d’y parvenir, mais l’effort constituera une des passerelles essentielles pour que l’on allège les poids sur nos épaules, à l’image d’un exercice de squat éprouvant. C’est toute la mécanique du film qui se dessine, à travers la fonctionnalité du corps, de ses restrictions et de son expression. En nous isolant dans l’intimité d’une classe de ski compétitif, on y découvre rapidement les motifs de la collision entre une aspirante et son coach. Et par le prisme autobiographique de la réalisatrice, nous sommes là, à partager les oscillations d’une jeune adolescente, en proie à la vulnérabilité.

Pourtant, il ne faut pas négliger ce qu’i se dégage en premier lieu du cadre, greffé à Noée Abita, qui retrouve Favier, après le court-métrage « Odol Gorri », empreint d’une dérive émotionnelle. Il s’agit donc de renouer avec ce qu’on a précédemment laissé derrière nous, entre le corps et l’esprit. La mise en scène insuffle donc le flottement nécessaire, afin que l’emprise sur ces deux entités devient le sujet d’un tout et le sujet de tout le monde. A l’heure où, l’on s’abandonne dans l’intériorisation de la douleur, mental et physique, il est temps d’ouvrir quelques plaies pour engager la thérapie par le conflit. Lyz pourrait voir son potentiel avant-gardiste de championne se dissiper à chaque slalom supplémentaire, mais ce qu’elle en tire de sa vulnérabilité, c’est bien entendu une puissance qu’elle apprendra à mesurer, à défaut de pleinement dompter. Cependant, on devine chaque présage avec une certaine curiosité envoûtante, où le spectateur se soumet également à un système de récompense qui le pousse à rester jusqu’au bout du voyage. De cette façon, la narration cultive notre empathie afin de compenser une solitude qui se ressent dans le mode de vie de Lyz et dans son objectif, visible sur le flanc des montagnes Alpines.

En existant le jour, aux yeux d’autrui, c’est surtout dans la pénombre que son identité évolue. Dans les prémices d’une exploration sexuelle et d’autres aspects de sa féminité, elle se retrouvera par mégarde dans les crocs d’un loup, à l’instinct sauvage et à l’ambition autodestructrice. Jérémie Renier, dans la peau d’un Fred lui-même soumis à un alter-égo, qui donne le ton et la justification de ses gestes, à ne pas confondre avec l’excuse ou le pardon. Ce qui est condamnable se révèle plutôt malin dans la brutalité de séquences loin d’être fusionnelles. La toxicité de cette relation a déjà été explorée dans le cinéma de Damien Chazelle et d’autres continuerons de voir le jour, sous un angle plus authentique et cérébral. Sans un certain lissage dans les expressions des personnages, il serait très décevant de s’attarder sur la pauvreté de dialogues qui rabâche sans doute un peu trop les analogies entre la discipline sportive et la vie, mais la subtilité est bien là, dans le coin du cadre, à l’abri d’une analyse qui se tiendra dans un second temps.

Sous la combinaison de genre sportif, « Slalom » semble plus proche du thriller psychologique, qui mène à bien les interprétations ambivalentes des protagonistes. Chacun se heurte à des fatalités qui ne nous sont pas étrangères dans la forme, mais dans ce portrait sinistre des adultes, il sera aisé de distinguer le fait de se sentir désiré ou se sentir encouragé. Entre des parents absents et un entraîneur oppressant, on recherche du punch à chaque extrémité, afin de rompre un silence qui hurle plus de détresse que de passivité. Et si le message stimule autant, c’est parce que chacune des victoires de Lyz fait l’objet d’un rejet, d’une trahison ou d’une hésitation, qui déconstruit la manipulation, qu’il convient de redouter avant de l’étouffer.

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