Daphné, enceinte de trois mois, est en vacances à la campagne avec son compagnon François. Il doit s’absenter pour son travail et elle se retrouve seule pour accueillir Maxime, son cousin qu’elle n’avait jamais rencontré. Pendant quatre jours, tandis qu’ils attendent le retour de François, Daphné et Maxime font petit à petit connaissance et se confient des récits de plus en plus intimes sur leurs histoires d’amour présentes et passées…

Désir triangulaire

Note : 4 sur 5.

Dans la lancée de « Mademoiselle de Joncquières », Emmanuel Mouret troque le drame d’époque avec le conflit des sentiments. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il y a une différence notable sur la durée ou en transposant le romanesque à des désirs plus concrets. C’est là qu’est tout l’embarras. Le cinéaste s’amuse à parfaire un décalage de ton et vient rythmer le tout dans le tourment et le suspense. Les interactions ne rendent pourtant pas les situations plus confortables et c’est dans ce pilier que la narration aime se perdre et aimer abonner ses personnages dans leur confusion. En construisant sa boîte à secrets, on invite le spectateur dans le cercle vicieux de la contradiction et de l’incertitude, qu’empoignent les protagonistes, à chaque instant où ils tentent de se réinventer auprès d’autrui.

La facilité de lecture est aussi séduisante qu’enivrante, car les détours ne manqueront pas dans ce choc de récits, régis par les séparations et les retrouvailles. Les hommes et les femmes errent dans un cadre qui les contraint à isoler ce qu’ils ressentent, au nom de la politesse, à ne pas confondre avec lâcheté. Et c’est de là que l’œuvre puise tout son élan et le fantasme d’espérer, un jour de plus ou un instant de plus, évoquer une sorte d’éternité ou de stabilité. L’observation a beau être vieux comme le monde, mais la rivalité mimétique est bien présente, au cœur même de la lutte intérieure de personnages, envieux, désireux et authentiques. La tendresse s’invite tout autant dans ces ballades, jamais trop longues, ou ces repas, jamais trop banales pour que l’on tourne le dos à la passion qui se dégage. L’efficacité du montage influe directement ou indirectement dans l’esprit. De même, les dialogues stimulent un enthousiasme qui ne fait pas défaut à la réaction du récit, en phase avec la fatalité des sensations. De cette manière, les actes prennent plus d’ampleur, dans l’espoir de prolonger une satisfaction, éphémère et discrète.

Dans la retenue de Maxime (Niels Schneider), on y trouve une grande sensibilité, mise à l’épreuve du temps et du hasard, conséquent dans le deuil qu’il porte en permanence. Mais il ne dévie pas de sa trajectoire de vie, car il avance dans une crainte que l’on connaît que trop bien, ou que l’on soupçonne avec une souplesse des plus intelligente. Du côté de chez Daphné (Camélia Jordana), ce n’est pas aussi simple, c’est même plus subtil dans les déceptions et les désillusions qu’elle tutoie. Pourtant, leur parcours respectif suggère de l’intensité et révèle les cicatrices d’une grande aventure. Autour de cette rencontre, le couple de François et Louise (Vincent Macaigne et Emilie Dequenne), ainsi que Sandra (Jenna Thiam), gravitent autant dans les chutes que les ascensions des deux individus. Ce qui tient donc de l’anecdote n’en est pas vraiment une, car chaque étape est instructive et jouissive, si bien qu’elle s’inscrive dans la construction pertinente d’un amour sincère et définitif. Mais hors de question de mettre un point final dans la ronde des sentiments, où les erreurs se répètent, dans l’intérêt une suspension intemporelle, celle qui nous comble, celle qui nous convient et celle qui nous accorde sa bénédiction.

Mouret insiste lui-même là-dessus, car il faut une certaine touche d’ironie afin d’apaiser la conscience. « Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait » n’est pas une exception et toute la structure qu’elle évoque, à commencer par les multiples parenthèses qui s’entremêlent, convoque des pulsions d’une nature plus délicate et qui ne mentent jamais sur l’expression des comédiens. Il y a une origine à tout dans le théâtre de notre vie, mais à mi-chemin des concessions de Shakepeare, nous offrons avant tout l’opportunité d’ébruiter le souffle de notre âme, comme si les partitions de Mozart et de Tchaïkovski venant nous encourager. L’analogie est sans doute facile, mais l’œil et le cœur ne peuvent plus triompher du silence. C’est dans la précision que le film apprécie de jongler avec les pièces qu’on lui propose.

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