Pendant les 12 années qu’elle dura, l’Affaire Dreyfus déchira la France, provoquant un véritable séisme dans le monde entier. Elle apparaît toujours comme un symbole de l’iniquité dont sont capables les autorités politiques au nom de la raison d’état. Dans cet immense scandale, le plus grand sans doute de la fin du XIXe siècle, se mêlent erreur judiciaire, déni de justice et antisémitisme. L’affaire est racontée du point de vue du Colonel Picquart, véritable héros oublié de l’Affaire Dreyfus. Une fois nommé à la tête du contre-espionnage, le Colonel Picquart finit par découvrir que les preuves contre le Capitaine Alfred Dreyfus avaient été fabriquées. A partir de cet instant, au péril de sa carrière puis de sa vie, il n’aura de cesse d’identifier les vrais coupables et de réhabiliter Alfred Dreyfus.

Spiralité et préjugés

Note : 3.5 sur 5.

Il fallait rebondir, il faut rebondir suite à la chute de Roman Polanski et son “D’après une Histoire Vraie”. Un dérapage qu’on peut dorénavant lui pardonner, faute d’appréciation et de confusion. Il revient avec un conte moderne qui retentit encore à travers les âges, car combattre l’antisémitisme est un sujet que l’humanité ne parvient pas encore à dépasser. Et outre cette injustice morale, d’autres victimes du genre sont à l’agonie ou en cavale, comme le soulignent certains. Posons-nous alors un instant et regardons de plus près en quoi la frustration des voix vienne parasiter la portée d’une affaire capitale et qui se révèle nécessaire d’être rappelé encore aujourd’hui. Polanski ne fait pas les choses à moitié et sa nouvelle adaptation prend le risque de se dresser, face à des institutions privilégiées, mais qui ont surtout le monopole sur la manipulation des informations, de quoi mettre dans l’embarras bon nombre d’individus qui recherchent encore de la sécurité, au-delà des barreaux ou de cette prison morale écrasant la minorité.

Dans ce thriller politique, le colonel Picquart, campé par un Jean Dujardin très convaincant, évolue dans une société dans les mains de l’armée et son dispositif juridique instable pour ne pas dire injuste. Le contre-espionnage est donc au centre d’un récit qui a tout pour révéler une mentalité, nourrie par les préjugés, à la fin du XIXème siècle et nombreux sont présents pour en témoigner. Et c’est avec manière que le maître revient nous captiver, autour d’une question pas si rhétorique que cela. Bien que les aboutissants soient connus, on nous invite à une enquête ouverte, en épiçant l’intrigue de doutes et d’éléments très propre au style du réalisateur polonais. Le monde est bien trop gras pour des hommes qui ne vivent que dans le délit et dans le péché. Il n’en faut pas longtemps pour comprendre que le complot est un art et qu’il est en état d’accuser le capitaine Alfred Dreyfus (Louis Garrel), l’emmenant ainsi au bagne et à cette fausse image de la liberté que l’on maintient juste sous nos yeux.

Et derrière ce combat, on poursuit avec un procès qui perd en vigueur. La qualité cinématographique se détériore et les faits balisés prennent le dessus comme des sketches qui s’enchaînent par fluidité, plus que par cohérence. Nous ne pouvons donc pas être atteints d’ennui, notamment lorsqu’un Picquart nous sert la vision pédagogique de la chose. Autour de lui, c’est bien différent, malgré un avocat agressif comme Labori (Melvil Poupaud) ou le littéraire engagé Emile Zola en personne (André Marcon). Le film ne dégage alors plus la même ambiance, mais promets des dialogues illustrant les mœurs et les vices de chacun. Les indices clé, tombés en abondance, nous laissent donc devant ce bal de mensonges et d’hypocrisie, mais à voix haute, histoire de provoquer davantage les spectateurs comme les entités responsables d’une injustice. L’héritage est donc la cible de ce projet huilé, mais sensiblement personnel, car la voix de la jeunesse est en marche. Si ce n’est pas l’anti-héros qui, malgré lui disculpe son prochain, ce sera à cette nouvelle génération de briser les murs et les barrières pour enfin accueillir la diversité ethnique et des opinions publiques.

Après l’adaptation de Robert Harris qui a donné lieu à “The Ghost Writer”, Polanski s’est inspiré de “D”, afin d’évoquer une division entre la France et l’opinion publique. Cette observation s’extrapole d’elle-même à nos réseaux sociaux, nouvel outil voire arme qui divise davantage qu’elle ne rassemble de personnalités influentes. Et si l’on devait faire un parallèle avec la situation polémique du réalisateur, il conviendrait avant tout d’identifier sa place. Mais son caméo maladroit nous laisse penser ou prétendre au doute qu’il nous sème au fur et à mesure de son discours, à la fois universel et personnel. L’intime nous relie à son implication, mais il faut dépasser ce cadre afin de goûter au produit, celui dont il doit être question. “J’accuse” apprécie certaines anecdotes ou détails sur l’affaire, mais il s’éloigne parfois de son sujet ou stagne simplement devant un miroir qu’on ne peut oublier en un instant. C’est pourquoi le parfum se dissipe et laisse l’amertume, l’absence d’émotions, ou bien l’insatisfaction, nous saisir dans un dénouement sans doute trop catapulté, pour éviter une sentence plus que méritée. Idée à laisser mûrir pour ne pas mentir.

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