Dans les faubourgs de N’djaména au Tchad, Amina vit seule avec Maria, sa fille unique de quinze ans. Son monde déjà fragile s’écroule le jour où elle découvre que sa fille est enceinte. Cette grossesse, l’adolescente n’en veut pas. Dans un pays où l’avortement est non seulement condamné par la religion, mais aussi par la loi, Amina se retrouve face à un combat qui semble perdu d’avance…

Malédiction et émancipation

Note : 3 sur 5.

Que dire du premier réalisateur Tchadien ? Que dire de cette nation, qui connaît à présent une portée symbolique, dans les combats qu’il mène, dans les mêmes thématiques qui préoccupent les occidentaux ? Mahamat-Saleh Haroun, qui a vu son curriculum s’étendre à celui du ministre du développement touristique, de la culture et de l’artisanat local, ne marmonne pas, il diffuse une culpabilité qui ne blesse que ces personnes, en marge de leur société et de leur convention hiérarchique. Le droit des femmes n’est ni acquis ni optionnel à N’djaména, une capitale tiraillée entre l’envie d’urbaniser son milieu et de laisser les traditions prospérer.

De « Bye Bye Africa » à aujourd’hui, en passant par « Un homme qui crie » et « Abouna », qui ont bien été accueilli sur la croisette, le Tchad possède plus d’images, plus de matières à engraisser une révolution en marche. Les sujets se veulent toutes aussi forts les uns que les autres, en installant un climat authentique et en capturant la lumière du soleil, comme un observateur passif et le témoin d’une mutation nécessaire. Deux femmes luttent dans l’espoir de s’émanciper d’une emprise religieuse, où l’Islamisme est aussi radical que les institutions qu’il dirige. De ce fait, la présence masculine impacte tout ce monde féminin, qui se raccroche à une liberté, qui ne peut être pleinement acquise. Amina (Achouackh Abakar) élève seule sa fille Maria (Rihane Khalil Alio), en subissant sournoisement la pression de ses voisins, de sa famille, de tout le monde.

L’avortement est interdit, l’excision est obligatoire. Un postulat qui provoque plus de tapage chez ces jeunes femmes, qui tentent de briser un peu plus les codes imposés, afin de se garantir un avenir, du moins pour la dernière génération. Il y a de l’espoir dans l’éducation, refusée en échange d’un acte violent et étouffé dans la masse. Mais la souffrance est bien là et transpire dans chaque plan qui se met à la hauteur d’Amina et de sa détermination. A l’image des héroïnes de « Never Rarely Sometimes Always », des liens sacrés appuie cette idée de sororité, dont la communauté peine à gagner en reconnaissance et en respect. Elles auront beau trébucher ou douter de leur engagement, à la fin, il y a la lucidité du cinéaste qui sait comment amener ces sujets sur la table des émotions. En revanche, il reste un peu trop limité dans son approche, qui redonne les pleins pouvoirs aux femmes, mais qui n’enlève pas grand-chose du venin qui se propage chez les hommes. Sans doute une prochaine étape à confirmer.

« Lingui » n’est donc pas le monument espéré, mais ne manque pas d’efficacité lorsqu’il s’agira de condamner le patriarcat et la violence qui en découle. Son format didactique freine un peu les idées de cinéma, qui règnent en maître dans la cour d’Amina, où chats et chiens sont logés à la même enseigne. Mais dans ce cercle vicieux, dans cette malédiction héréditaire, dans ce labyrinthe de méfiance, les larmes importent plus que les mots et la réconciliation serait la première des étapes afin de reconstruire un monde, où le collectif finira par avoir plus de poids et d’armes pour enfin avancer.

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