Des vétérans de la guerre du Vietnam repartent dans ce pays à la recherche de leur innocence perdue.

Voyage à bout de l’enfer

Note : 2.5 sur 5.

La digestion d’une œuvre toute aussi expérimentale que confuse mérite un brin de recul et une dose de bonne volonté. Spike Lee, plus engagé que jamais, milite du côté de cette souffrance qu’endurent les personnes de couleurs au sein d’une société qui réfute leur liberté, et même leur nationalité. Il existe toujours un combat à mener et le réalisateur s’envole au front, mais sur des terres minées de traumatismes, que ce soit pour l’Amérique d’hier et l’Amérique d’aujourd’hui. Il n’y a rien à cacher et pourtant, Lee se réapproprie un fragment de l’Histoire pour mieux explorer des cicatrices qui resteront à jamais visibles. Et dans cet élan de bonne volonté, il est très difficile de cerner ce qui est pertinent ou non dans cette aventure rétrospective inégale et poussive.

Quatre frères d’armes et de sang renouent ainsi avec le Vietnam, là où leur chef d’unité les a menés à la liberté et qui guide encore vers la « fortune ». De la camaraderie saisissante aux références populaires des films de guerre passés, Lee insère son récit parmi tout ce qui a forgé une culture et une éducation, autour d’une guerre controversée et dont on s’efforce encore de faire disparaître les maux. Dans cette audacieuse et ambitieuse tentative, l’exercice séduit et promet un divertissement de qualité, mêlant la fiction et faits d’armes réels. Dommage, que cela ne propulse pas le récit dans une direction moins linéaire et farfelu dans un second acte trop mâché et surtout chaotique dans son approche. Les vétérans ont pourtant plus que des traumatismes à conter, certes, mais une fois l’introduction passée, les événements s’enchaînent avec une maladresse, qui frise même le ridicule.

Tout est calculé malgré tout et malgré un budget limité. Et la formule fonctionne dans ces flashbacks qui ne se déconnecte pas totalement du présent, chose qui maintient le discours au top de sa forme et le poing levé. Mais à force de répéter cette démarche et à force de monter le ton moralisateur, le récit devient difforme et ne progresse plus avec la même cohérence ou le même dynamisme qu’à l’entrer. Cette chute est représentative d’un sujet trop dense et obsessionnel, qui pollue finalement l’objet cinématographique au détriment d’une fable surréaliste et limite hors du temps. On s’y perd facilement, à croire qu’on l’on vient de changer de film. Ce que l’on peut confondre avec de la profondeur est peut-être bien plus simpliste. La folie des soldats engendre plus de violence et la lutte pour des ressources étrangères ne font qu’empiéter sur la voie de l’égalité. Plus rien ne va à ce moment-là, ce qui tient sans doute d’un choix, qui justifierait pas mal de problématique et de décisions insipidement vécues.

« Da 5 Bloods » ne fait que résumer dans son dernier coup de foudre, mais nous fait zapper cette cohésion d’un groupe, unis par le sens et l’éthique. La crise est politique et les dénonciations sont frontales. De plus, le portrait d’hommes mutilés mentalement gronde, mais il reste plus d’un conflit à résoudre pour ces canailles, ni tout blanc, ni tout noir. Oui, on reconnaît immédiatement Spike Lee dans sa manière de penser, mais quant à ses prouesses techniques et d’écritures, il aura dû sacrifier une partie de son âme pour bâtir tout un pamphlet optimiste d’un retour à la source, d’un retour au combat et d’un retour chez soi. Dommage qu’il ne parvienne pas davantage à renouveler plus d’intérêt, car il manque de soigner les figures qu’il combat, notamment les menaces vues de l’intérieur.

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