Difficile pour Virginie de concilier sa vie d’agricultrice avec celle de mère célibataire. Pour sauver sa ferme de la faillite, elle se lance à corps perdu dans le business des sauterelles comestibles. Mais peu à peu, ses enfants ne la reconnaissent plus : Virginie semble développer un étrange lien obsessionnel avec ses sauterelles…

A feu et à sang

Note : 3.5 sur 5.

Nous pourrions croire au cinéma de genre, restauré au sein de l’hexagone, mais il serait encore trop tôt pour se prononcer. Les milles figurent de ce registre auront beau réunir tous les ingrédients d’un bon cocktail explosif, il reste ce palier de la visibilité et de la reconnaissance qui doit trouver le grand public. C’est un grand pas pour Just Philippot, qui trouve la force et la sensibilité de traiter de cette étonnante rencontre entre le film de monstre et cette même génération qui l’a rétrogradé à l’oubli. Le scénario de Jérôme Genevray et de Franck Victor sème ainsi la cruauté d’un fléau, rappelant un certain Hitchcock et d’autres influences tenant de la chair (Ducournau et donc Cronenberg). Et au cœur d’une mêlée sanglante, fascinante et curieusement appétissante, ce premier film est prêt à sacrifier de son équilibre contre une redoutable efficacité et productivité.

Cela ne veut pas dire qu’il ne trébuche pas pour autant. Et ce sera sur des éléments précieux qui fécondent les propos d’une mère, d’une veuve, prête à tout afin de subvenir aux besoins de ses deux enfants. Virginie (Suliane Brahim) est également une éleveuse qui voit grand et qui soutient le milieu de l’agriculture. C’est à la fois une terre de misère et de fortune, qu’elle retourne à son avantage, du moins le temps d’un espoir, qui trompe le remord, le deuil et l’échec de sa situation professionnelle, de même que sa situation familiale. Sa relation avec sa fille Laura (Marie Narbonne) tutoie des enjeux tragiques, laissant les moments de silences alourdir l’atmosphère de rancunes qui trouveront toujours un nouveau point de départ. De cette façon, les sauterelles qui sont censées nourrir les vivants feront l’objet d’une étude de terreur, maintenant l’obsession maternelle à son paroxysme.

L’habilité est précieuse, mais pas toujours au point, comme le montre cette longue introduction dans la famille Hébrard. L’intrigue omet alors de conclure sur le destin des anti-héros dans un milieu qui se heurte au cannibalisme et au vampirisme. Le sous-texte de l’agriculture est évident, mais qui manquera de poigne dans les instants décisifs, comme dans un court climax, qui en oublie d’où l’on vient. Le sacrifice semble être le maître-mot de cet univers, qu’il confond avec la solidarité que Karim (Sofian Khammes) apporte. Hélas, l’autorité parentale prend le dessus, à l’image de ses insectes féroces, qui ne jurent plus que par chaos, déjà en place dans cette famille dysfonctionnelle et tenue en joue par ses dettes, ainsi que par l’image qu’il projette autour d’elle.

Il n’est donc pas inhabituel de voir le paysage français se transformer et muter, afin de préserver un savoir-faire de la culture de masse. Mais peut-on réellement se défaire de cette spirale aveuglante et souvent sanglante, où le corps et l’âme se déchirent jusque dans les derniers mots, les derniers gestes et les derniers bourdonnements ? « La Nuée » y répond avec son lot d’hésitations, mais avec une audace rafraîchissante, qui prolonge cette course interminable du court-métrage « Acide ». Porté par des comédiens irréprochables et des vertus contemporaines, l’essai de Philippot renforce les rouages d’un cinéma local, déjà en route et sur une scène qui fissurent peu à peu des frontières.

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