Pris dans la tourmente de la Première Guerre Mondiale, Schofield et Blake, deux jeunes soldats britanniques, se voient assigner une mission à proprement parler impossible. Porteurs d’un message qui pourrait empêcher une attaque dévastatrice et la mort de centaines de soldats, dont le frère de Blake, ils se lancent dans une véritable course contre la montre, derrière les lignes ennemies.


Au-delà des conventions…

Note : 4 sur 5.

Hollywood nous revient avec un défi technique et historique de qualité, sous les traits d’un faux plan-séquence, à l’image de “La Corde” d’Hitchcock ou de “Birdman”, dernier prestige du genre en date. Si l’on cherchait vraiment un film qui assume complètement le challenge, c’est bien chez ”Victoria” de Sebastian Schipper qui tient le dernier exploit. Mais où souhaite nous emmener le réalisateur de “American Beauty”, “Les Noces Rebelles” et les deux derniers James Bond ? Il y a d’une part un hommage à son grand-père, mais Sam Mendes use globalement de prétexte afin d’alimenter son œuvre, loin d’être atypique et proche de marquer l’instant. Il n’est pas inconnu du film de guerre, car il nous a déjà emmené en Irak avec “Jarhead”, qui abordait l’isolation des soldats. Sur ce film à concept, il est question de parcourir les terres saccagées de la Grande Guerre et de véhiculer une tension au cœur d’une course contre la montre. Il y a tant à interpréter et pourtant peu à voir, car l’immersion est très réussie. Mais en raccordant les plans-séquences entre eux, il est possible de constater les limites de l’exercice de style.

On nous plonge dans une intrigue qui monte à crescendo, en passant par des points clé, révélant la misère de la guerre et ses méandres, dont certaines auraient mérité d’être plus subtiles, notamment sur le caractère intemporel du sujet ou le prétexte d’une mission prioritaire, qui aurait pu se conclure par la voie des airs, car cela se faisait. Outre l’aspect très chorégraphié, ce film meuble avec des plans aussi saisissant que “Les Sentier de la Gloire” de Kubrick et passe par le No Man’s Land, notamment. Mais niveau scénario, c’est mince, voire creux. Il fallait donc s’appuyer sur l’écriture de deux personnages Blake (Dean-Charles Chapman) et Schofield (George MacKay) dans une mission, sous-entendue héroïque. Le cinéma tend vers plus de réalisme et pourtant, tout n’est pas aussi carré qu’il n’y paraît. Si l’on fait attention aux détails, plusieurs plans dont une qui se déroule de nuit tiennent presque du jeu vidéo, ce qui peut surprendre, mais qui rattrape son décalage via une idée audacieuse du chef opérateur. La symbolique des enfers et l’atmosphère qui répand ses cendres et ses cerbères est une figure plaisante et qui aurait mérité d’être poussé à son potentiel maximum, au lieu de contourner ce décor qui attendait plus d’interaction.

La visibilité est donc la qualité qui aide à survivre et on le comprend rapidement. Les plans serrés sur les comédiens peuvent distraire, en nous coupant volontairement des informations sur l’horizon ou des vues d’ensemble. On nous impose l’aventure à hauteur d’homme et en temps réel, ce qui pourrait apporter plus d’émotions sur le coup. L’ennemi est parfois invisible, ce qui profite au montage sonore, la photographie et à l’élan épique. Évidemment, Mendes épouse les codes et s’amuse également à les détourner quand il peut les mettre à profit de l’expérience sensorielle. Mais quelque chose lui échappe, car “Gravity” restera sans doute le modèle le plus conforme et le plus poignant dans le même genre. Dans le fond, il n’y a rien de neuf, mais l’appât est si attractif qu’on ne peut refuser d’y goûter. Et c’est justement le contre-coup qui peut en décevoir certains, qui ressortent confiants d’une aventure trop soignée pour ce qui aurait dû être un “carnage”.

“1917” est un travail d’illusionniste qui s’affranchit de bien des contraintes. C’est une course de relais où caméra, personnages et équipe technique se confondent l’instant du premier visionnage, mais qui épuise ses qualités dans un travail redondant. Une fois la structure identifiée, le cinéaste reprendre le même schéma que ce soit pour le début ou la fin, ce qui rend d’ailleurs le dénouement moins spectaculaire. La communication y est pour beaucoup, car le film ne se repose que sur une prouesse surestimée, mais qui nous demande intensément de rester en surface, alors que la vraie magie prend place une fois que le spectateur aura brisé cette barrière du plan-séquence dans son imaginaire.


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