Une série d’événements va transformer radicalement l’existence des habitants d’un immeuble romain, dévoilant leur difficulté à être parent, frère ou voisin dans un monde où les rancœurs et la peur semblent avoir eu raison du vivre ensemble. Tandis que les hommes sont prisonniers de leurs entêtements, les femmes tentent, chacune à leur manière, de raccommoder ces vies désunies et de transmettre enfin sereinement un amour que l’on aurait pu croire à jamais disparu…


Sans attache

Note : 2 sur 5.

Le bon sens est une déviance de la narration d’un Nanni Moretti (La Chambre du fils, Mia Madre) refermé sur lui-même. En sortant pourtant de sa zone de confort, il se plie au travail créatif de l’écrivain israélien Eshkol Nevo, où il est question de trois étages à l’interaction et la communication dissonante. Sa première adaptation a de quoi interpeller, d’autant plus qu’il ramène les faits de Tel Aviv à Rome, au cœur d’enjeux contemporains italiens. Quatre familles se partagent le fardeau, la terreur et la fureur de leurs sentiments. Nous nous attendions alors à ce que le cinéaste nous emmène dans la complexité de leur psyché ou qu’il brosse le portrait de son pays, mais sa mélancolie n’y est pas, tout comme la pertinence de ses propos, tombés à point nommé.

L’ouverture, sans demi-mesure, fait le constat d’une brutalité nocturne, à l’heure où certains partent pour donner vie et d’autres reviennent pour en prendre une. À partir de là, les trajectoires des familles habitant au pied du drame vont diverger, pour mieux explorer leur lente désintégration. En observant l’axe de ses personnages masculins, il en vient à s’autoflageller, comme pour ne pas se soustraire à son propre jugement. L’ironie vient du rôle de Moretti en homme de justice, Vittorio, et père de famille qui échoue à accepter son fils (Alessandro Sperduti). Et au lieu d’écouter sa femme (Margherita Buy), il choisit d’épouser une lâcheté qui aura des teints sur les siens, en quête de dépendance, de confiance et d’identité propre. C’est un sujet qui dépeint toute l’œuvre chorale dans son ensemble, mais qui négligera l’efficacité de sa structure à coup d’ellipse, sa mise en scène trop convenue et sa conclusion, étirée jusqu’au dernier fil blanc.

Que reste-t-il donc derrière la masculinité toxique, les pères absents et destructeurs, ou encore les hommes sans une once de remords ? Les femmes ont une place privilégiée dans le dispositif mécanique et huilé du récit. Si Monica (Alba Rohrwacher) hérite de la plus profonde partition de sa condition de femme au foyer et l’enfant sous le bras, on y découvre avec une certaine malice comment la solitude arrive dans son berceau. Quant au reste de la troupe, la plupart n’est qu’au service d’un autre et sous l’influence d’une réconciliation impossible. Aucune émotion ne ressort de ces échanges, purement informatifs, sans portée sensorielle, alors que le sujet mérite de secouer un peu plus son public, attentif et patient de découvrir les non-dits des personnages mutilés. C’est à cela que sert cet écho, cette distance qui sépare les membres d’une famille, d’un couple ou de simples voisins, qui ne parviennent pas à trouver d’issue au cataclysme qu’ils subissent passivement.

Ce serait un mensonge de ne pas trouver de la sensibilité dans cet univers, sachant que les points de vue ne manquent pas de multiplier les horizons. Hélas, ce n’est pas avec ce dernier Moretti qu’on s’exaltera ou qu’on se révoltera. « Tre Piani » tire simplement tous les mauvais côtés du soap opera vers lui, jusqu’à ce qu’une ultime apparition à travers un pare-brise vienne baisser le rideau sur une fatalité qui affole et qui dérange. La frustration et la douleur mentale sont les symptômes qui se transmettent d’un étage à l’autre, comme d’une génération à une autre. Dommage que les chocs culturels n’aient pas plus de place, au menu d’un cinéaste en proie à un léger renouvellement.


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