Nour a 14 ans. Il vit dans un quartier populaire au bord de la mer. Il s’apprête à passer un été rythmé par les mésaventures de ses grands frères, la maladie de sa mère et des travaux d’intérêt général. Alors qu’il doit repeindre un couloir de son collège, il rencontre Sarah, une chanteuse lyrique qui anime un cours d’été. Une rencontre qui va lui ouvrir de nouveaux horizons…


L’Art pour mûrir

Note : 3.5 sur 5.

Déjà à la barre de court-métrages (Le Sac, Hédi & Sarah, Red Star), Yohan Manca ramène une partie de son équipe, mais revient surtout sur une pièce de théâtre de Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre, qu’il a monté et interprété dans sa jeunesse. Son adaptation n’en est que plus logique et pertinent, sachant la thématique qui préoccupe l’adolescence, dans le même tunnel de la transition vers le monde des adultes. Le tout est d’en trouver les limites et d’adapter l’angle d’approche, car on pourrait lui trouver des airs voisins à « Billy Elliot », comme tant d’autres. Du quartier populaire à la noble dimension artistique, qui tranche avec le milieu défavorisé, le cinéaste installe alors sa caméra à la croisée des chemins, entre le cadet d’une famille d’immigrés et l’opéra. En nous rapprochant d’ailleurs du climat méditerranéen, on pense aisément à l’influence italienne de Fellini, qui savait aussi bien capter la population que la misère des banlieues, sans pour autant la rendre moins romanesque.

Cependant, les références à cette culture ne s’arrêtent pas là. Le prolongement vient du souffle, puis du son. De Gaetano Donizetti à Nour (Maël Rouin Berrandou), en passant par Luciano Pavarotti, Manca rend à l’opéra, comme au spectateur, cette fameuse larme furtive. Le jeune collégien se dissocie de la virilité de ses frères ainés, que l’on découvre engagés et bouillants dans une partie de football sur la plage. À l’écart de leur personnalité, il reste toutefois en contact de leurs activités, même les plus illicites. Abel (Dali Benssalah) porte le malheur de sa famille sur des valeurs que Mo (Sofian Khammes) entend, mais esquive de justesse, alors qu’Hédi (Moncef Farfar) la subit comme un purgatoire. Pourtant, nous aurons beau reconnaître leur conflit, il existe également des rassemblements complices, qui tranches avec le cliché et préjugés. Si tout le monde est loin d’avoir un casier vierge, le récit nous fait part de son espoir, qui gravite autour d’une famille, liée par le deuil.

Ces frères sont déjà en train de le vivre, car ont tous accepté la fatalité sur leur mère mourante. Quand bien même, ils annoncent le contraire, leur regard ne ment pas. Beaucoup de dialogues seront échangés, mais ce que Manca cherche à ponctuer, c’est ce qu’il reste de ces oppositions et de ces moments de complicités, que l’on partage, malgré les échecs ou malgré les impasses. En outre, il s’agit d’une tendre relecture d’une chronique sociale, au détour d’un ton léger, parfois humoristique, mais qui n’enterrera jamais ses personnages sans raison. La caméra est à hauteur d’enfant, ce qui permet de prendre du recul, d’un œil suspect mais curieux, simplement parce que Nour trouve une issue qui l’extirpe de sa condition de vie. Sa rencontre avec l’enseignante de chant, Sarah (Judith Chemla), lui est bénéfique pour bien des raisons, à commencer pour se rapprocher un peu plus de ses racines, puis en y trouvant une figure maternelle de substitution, avant de finir par songer à trouver une véritable vocation.

« Mes Frères et Moi » chante l’art de s’évader et surfe également dessus pour que les personnages y trouvent une forme de maturité. Tout cela est fait dans un geste d’une grande sincérité et avec le sentiment que l’on peut toujours trouver un rythme ou la bonne partition pour rebondir, face à ses difficultés. Nour nage alors souvent à contre-courant de sa communauté, mais quand bien même, il ne resterait plus de parents à réconforter, il reste ce jeune chanteur, comme le noyau d’un foyer qui vise à changer de visage et peut-être d’environnement.


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