C’est en recroisant son ancien amant de faculté, que Toko, depuis longtemps femme au foyer, voit soudain renaître en elle le désir de travailler, et de reprendre son métier d’architecte. Mais peut-on jamais réinventer sa vie ?


Les fondations d’un couple

Note : 3 sur 5.

Qu’est-ce que le mariage, si ce n’est l’aboutissement de toute une vie ? Est-ce un rêve partagé ou une finalité individuelle qui pousse les êtres à s’aimer, des années durant ? Yukiko Mishima vient nous interroger sur la place d’une femme au foyer, qui possède déjà tout ce qu’il faut pour constituer cette rêverie. Pourtant, une part d’elle la rejette, car cette même part se sent étouffée par ce manque d’ambiguïté ou un semblant de complicité. C’est tout un sujet qui peut fâcher, car l’on s’attaque directement à la veine de la culture nipponne, concernant ce mode de vie en décalage avec les idéaux occidentaux. Une telle thématique est la bienvenue et ce sera au détour d’obstacles en tout genre que la narration finit par s’emboîter avec la géométrie de l’espace, tantôt restreinte et froide, pour filer un peu plus vers des perspectives plus chaleureuses.

Après « Bread of Happiness » et « Dear Etranger », la cinéaste poursuit son étude sur une réalité contemporaine, souvent occultées par les plus beaux discours. Adapter le roman « Red » de Rio Shimamoto coule donc de source, quant à l’engagement qui se dégage à l’écran, où son héroïne parvient peu à peu à questionner sa place dans la sphère familiale et au-delà. L’émancipation de Toko (Kaho) sera toutefois longue et douloureuse, car un équilibre aussi confortable qu’un mari rigoureux dans son travail, une fille joyeuse et une belle-mère serviable, appelle un déséquilibre inévitable, lorsque le rôle de mère et d’épouse ne peut cohabiter avec une quête personnelle de liberté. Toko désire tant de choses, mais ce sont dix ans de mariage qui semblent la confiner à errer dans un abri luxueux, mais dont la vie disparaît au lever du jour. Elle rêve de travail, de satisfaction, de mouvement, choses qu’elle obtient à contrecœur d’un époux (Shôtarô Mamiya) cependant à l’écoute.

Le récit et la personnalité de la femme s’éclaircissent lorsque l’on découvre tout ce qui aura été perdu depuis l’échange des alliances, à commencer par des aspirations et des ambitions aussi grandes que des fenêtres démesurées. Cette envie de folie et un chagrin d’amour viendront la malmener, jusqu’à ce que des choix s’imposent. L’irruption d’un ancien amour, Kurata (Satoshi Tsumabuki), fait monter une pression supplémentaire quant à la condition de Toko, qui jongle à présent entre le boulot d’architecte et ses responsabilités familiales. Pourtant, ce sera bien dans le cadre de la création qu’elle connaît à nouveau l’épanouissement, même auprès de collègues masculins un peu plus fonceurs. Cela permet essentiellement de désarmer la figure patriarcale, tout en illustrant la bêtise qui empoisonne le quotidien de femmes qui souhaitent ardemment se placer de l’autre côté de la fenêtre. Elles peuvent se tromper ou s’égarer, mais jamais une opportunité de tenter ou d’essayer quelque chose ne devraient les décourager de faire l’impasse sur des pulsions primaires, qui ne dépendent ni d’une autorité culturelle, ni d’obligations conservatrices.

« The Housewife » (Shape of Red) projette un mal-être omniprésent chez une femme, qui n’a pas encore passé l’âge d’apprendre et de vivre pleinement de son art. Le récit admet ainsi une ligne de fuite évidente, mais dont la radicalité peut surprendre. Cela s’accompagne par une mise en scène qui appuie chaque instant d’hésitation ou de rupture avec ses émotions, qu’il neige ou qu’elle s’enferme, autant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Les lignes se multiplient pour restreindre sa vision, déjà trouble, l’empêchant de s’évader, tout comme les couleurs, dont le rouge, qui rappelle l’urgence et le danger, tout cela dans une notion de passion, dont elle cherche désespérément à dompter.


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