Craignant l’apocalypse, un vendeur d’assurances s’enfonce dans les bois pour une expérience de chasse en solitaire.


Tu ne tueras point

Note : 3 sur 5.

Sur les dix commandements, commettre un meurtre serait le plus radical, l’un des plus irréversibles et qui s’intègre parfaitement dans une étude contemporaine sur la masculinité. Robert Machoian (The Killing of Two Lovers) poursuit dans la réalisation en solo, après avoir exploré les méandres du deuil et de la compétitivité aux côtés de Rodrigo Ojeda-Beck (Forty Years from Yesterday, God Bless the Child, When She Runs). Leur approche a toujours été minimaliste et dans une intimité qui peut accentuer le purgatoire de leurs personnages, communs dans l’existence, mais bien complexe dans les valeurs qu’ils défendent. Le cinéaste revient sur l’un d’eux, où un homme part chasser pour la première fois.

Joe (Clayne Crawford) est seul, un fusil à la main et tout un tas de maladresses dans l’autre, qui ne font pas bon ménage. Il faudra assez peu de temps pour que le vendeur d’assurances mêle ses distractions à la fantaisie, chose que l’on appuie volontiers grâce au sound design surréaliste. Il associe ainsi le machisme à la masculinité et à la survie par extension, mais cette culture est loin d’être acquise et pose les bases de tout son dilemme, en tant que mouton noir du troupeau. En cherchant désespérément à s’insérer dans une communauté, il sonde un leadership qu’il n’atteindra sans doute jamais. Sous le signe d’une émasculation symbolique, il pénètre dans une forêt deviendra peu à peu sa prison mentale, où il sèmera suffisamment de folie pour que ses amis ou sa famille lui manque.

Chasser ne fait pas l’homme, mais tout est une question de fierté dans ce projet qui anime Joe, incapable de prendre de l’assurance devant sa femme ou un ami du coin. Sa réalité finit alors par se confondre avec de multiples fantasmes, qui fracturent un peu plus son esprit, jusqu’à ce que son fusil transpire autant que lui. Si l’on s’arrête un instant sur la légalité du port d’arme, Machoian est ici pour explorer l’insécurité, même à travers ce potentiel, souvent gâché par le sang chaud de ses utilisateurs. Ici, Joe n’a rien de tout ça, c’est pourquoi sa chute sera d’autant plus tragique et intense, dès l’instant où il devra rendre des comptes sur des actes qu’il ne cautionne pas. Ce retour à la nature pourrait également constituer toute l’étude primitive des émotions, où le héros perdrait peu à peu son armure et sa sagesse, en échange d’une culpabilité trop lourde à traîner.

« The Integrity of Joseph Chambers » ne vire pas pour autant dans la catharsis et aurait pu laisser une grande part de mystère dans son dénouement. Le réalisateur a choisi d’offrir une issue explicite, qui contraste avec cette légèreté, qui n’augurait déjà rien de bon dans un premier temps. Chacun doit passer une épreuve un jour ou l’autre. Celui de Joe est d’ordre moral, où il serait un porte-parole du drapeau américain, perdu dans un territoire hostile pour lui, car la seule créature à chasser se trouve à l’intérieur de lui. Ainsi, nous serons tentés de retenir cette lente décomposition, où un homme ordinaire a fait le choix de s’affranchir de la raison, en réponse d’une pensée toxique sur une société qui incite à rentrer dans le rang.


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