Leila a dédié toute sa vie à ses parents et ses quatre frères. Très touchée par une crise économique sans précédent, la famille croule sous les dettes et se déchire au fur et à mesure de leurs désillusions personnelles. Afin de les sortir de cette situation, Leila élabore un plan : acheter une boutique pour lancer une affaire avec ses frères. Chacun y met toutes ses économies, mais il leur manque un dernier soutien financier. Au même moment et à la surprise de tous, leur père Esmail promet une importante somme d’argent à sa communauté afin d’en devenir le nouveau parrain, la plus haute distinction de la tradition persane. Peu à peu, les actions de chacun de ses membres entraînent la famille au bord de l’implosion, alors que la santé du patriarche se détériore.


Des songes et des vices

Note : 4.5 sur 5.

Il n’a fallu qu’un premier film pour nous envoûter et nous malmener. « La Loi De Téhéran » a ainsi porté Saeed Roustaee vers une nouvelle consécration de prestige, dans la compétition officielle cannoise de cette année. Le cinéma iranien est de plus en plus mis en valeur, notamment après le récent succès de « Le Diable N’existe Pas » et « Un Héros ». Alors que la censure frappe aux portes de « Holy Spider » (Les Nuits de Mashhad) et ce dernier essai, particulièrement littéraire, la volonté de brasser l’authenticité d’une culture internationale ne fait que se renforcer. Cette tragédie familiale nous fait donc l’honneur de nourrir le portrait d’un pays qui se déchire de toute part, à commencer par un foyer, où les patriarches nous font adhérer à une expérience qu’on ne peut refuser.

Les références peuvent être nombreuses, mais le cinéaste investit particulièrement celle d’un « Père Goriot » (Saeed Poursamimi), qui n’a plus le sou à investir dans une famille qui tutoie la misère, jusque dans sa dépendance aux traditions, qu’elles soient de nature religieuse ou non. On laisse les histoires de drogues de côté et on se tourne à présent vers une autre foule, dont on arrache les emplois, les salaires et surtout une stabilité qui n’a rien du miroir social que l’on suit. L’inflation contamine l’économie d’une nation, déjà en proie avec ses propres démons, que l’on reconnaît à la lâcheté. Il faut bien de la résistance dans ce monde, qui n’arrête pas d’entraîner des individus dans la spirale du malheur. L’instinct et la réflexion sont du côté de Leila (Taraneh Alidoosti), tandis que les convictions les plus conservatrices règnent du côté de ses frères et notamment derrière ses aînés, qui ne parviennent plus à regarder leurs enfants pour leur richesse d’esprit.

L’étau se resserre inévitablement autour de chaque membre, une fois qu’on aura ouvert l’intrigue avec le mouvement des masses, significatif d’un peuple opprimé, soit par les forces de l’ordre, soit par les regards de ses soi-disant pairs, soit par une douleur physique intense, chose que le film transmettra sans peine au spectateur. On reconnaît ainsi Roustaee pour son cadrage vertigineux, au cœur d’une mêlée. Et quand bien même le nombre de protagoniste augmente au fur et à mesure, il ne délaisse aucun membre de la famille endettée. Leila est constamment poussée hors d’une voiture ou dans le hors-champ, accablant ainsi une suprématie patriarcale toujours présente, ainsi discrète dans son étalonnage. Pourtant, elle ne quittera jamais l’écran, car sa conscience guette chaque scène, où les hommes discutent et sont isolés pour éviter les potentiels caprices de cette dernière.

Il n’en est rien, elle finit par s’imposer dans l’esprit de ses frères, entre amour et trahison. Sa combativité force le respect, car ce n’est pas qu’une histoire d’argent, mais bien d’une défaillance plus profonde, ancrée dans la culture même de terres, qui n’ont plus rien de saint pour leur santé. Alireza (Navid Mohammadzadeh) incarne l’iranien lambda, prêt à se soumettre aux miettes de pain qu’on lui laisse, quitte à retarder sa déchéance et à éliminer tout espoir de réussite. Tout cela, le cinéaste ne manque pas de la capturer frontalement. Il n’est pas question de se montrer furtif, mais bien d’être incisif lorsque les protagonistes entrent en désaccord ou se regroupe à l’unisson. On ne retire aucun prestige aux scènes les plus communes, qui viendront trouver de l’écho à un moment ou un autre du récit, qui dégringole vers le drame ultime à partir d’un mariage, qui est davantage synonyme de divorce, voire de révolte.

Le bouleversant récit de « Leila’s Brothers » (Leila et ses frères) nous remet ainsi un second coup de poing où on ne l’attend pas, dans les sentiments, d’une famille qui masque la sincérité avec des apparences ou des fantasmes. Une vie honnête ne paie pas, mais qu’en est-il de l’unité, de la fraternité ? Tout le monde aura son morceau de culpabilité et de responsabilité à ronger, dans cette histoire de famille. Les figures masculines s’effondrent, avec un temps considérable, mais pas déraisonnable, afin que l’on puisse catapulter l’idée d’une relation manquée entre les personnages et leur environnement, qui les conditionne au naufrage et par défaut à l’incarcération à domicile.


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