À la PJ chaque enquêteur tombe un jour ou l’autre sur un crime qu’il n’arrive pas à résoudre et qui le hante. Pour Yohan c’est le meurtre de Clara. Les interrogatoires se succèdent, les suspects ne manquent pas, et les doutes de Yohan ne cessent de grandir. Une seule chose est certaine, le crime a eu lieu la nuit du 12.


Douter, c’est se tromper

Note : 4 sur 5.

Il nous avait déjà convaincu avec « Seules les bêtes », Dominik Moll, à qui l’on doit également « Harry, un ami qui vous veut du bien », ne renonce pas dans sa quête des disparus. S’il s’éloigne du cadre enneigé et hivernale du Causse Méjean, il reste pourtant proche de ces plateaux qui surplombent des hommes et des femmes, qui se trompent dans leur petit monde. En relocalisant son récit sur Grenoble, il se rapproche l’atmosphère souhaitée, proche du rapport de police sordide qui l’a inspiré et qui a été reporté par l’écrivaine Pauline Guena, durant une année à la Police Judiciaire de Versailles. Ce polar ne viendra donc pas déjouer nos attentes autour du scénario, car l’affaire n’est toujours pas résolue. C’est bien autour de l’équipe d’enquêteurs qu’on se plonge, au gré de leurs doutes et de leurs pulsions, humaines après tout.

On se rapproche ainsi du thriller coréen « Memories of Murder » ou son homologue américain « Zodiac », alors que l’on découvre le corps calciné d’une jeune femme, dont on s’acharnera à évaluer sa fidélité. C’est la préoccupation première de Yohan (Bastien Bouillon), en charge d’une enquête, qui l’emmène vers des parents dévastés et d’autres témoignages plus nuancés. Chaque rencontre est évocatrice d’une nouvelle piste, afin de relancer les enjeux, de rabattre des cartes sur ce potentiel nouveau tueur masculin, qui étoffe la liste des flirts de Clara, qui en a probablement payé le prix. Moll et Guena mettent ainsi le doigt sur les méthodes des interrogatoires, qui dévorent les policiers de l’intérieur et qui en sacrifie les bienfaits d’une vie privée, quasiment hors-champ. Cela n’empêche pas le cinéaste de trouver le ton juste, pour des comédiens qui alimentent la tension au sein du groupe, entre blagues décalées et autres démonstrations d’une voix masculine, qui porte jusque dans ses fantasmes les plus fous et éphémères.

Yohan ne fait que revivre ces instants, qui l’ont parachuté chef d’équipe et seul responsable d’un crime qui n’a pas trouvé d’issu avec la justice. À la manière qu’il a de tourner en rond pour décompresser, il camoufle également une colère qui la hante, celui de ne pas pouvoir cerner son audience. Il va jusqu’à croiser sa culpabilité avec celui qu’il cherche, mais l’identité de l’assassin n’est qu’un jeu d’interprétation, qui ne cherche pas à responsabilité les choix du spectateur. Le coupable se tient autant debout dans la masse que dans un coin de vidéo trop pixelisé. L’ouverture impeccable est suffisamment puissante pour que l’on s’interroge de tout, quitte à entrer en contradiction avec des codes déontologiques, que le collègue Marceau (Bouli Lanners) peine à contenir. Le duo s’oppose ainsi par leur expérience et leur croyance, abandonnant presque les faits, que l’on ne peut obtenir, faute de subventions manquantes ou d’intérêt pour un crime aussi silencieux que son écho dans la pénombre.

Revenir sur les lieux d’un crime, c’est donc douter de nos convictions. Dans une affaire qui ne peut aboutir à une conclusion réconfortante, « La Nuit du 12 » soulève bien des conflits internes des hommes et de leur virilité, dans ce monde qui semble leur appartenir et qui les plonge dans la même obscurité de Clara, brûlée par vengeance ? Par simple malveillance ? La complexité du crime est de nature psychologique, qu’on prend un malin plaisir à tordre, à l’image de la violence, que l’on peut assumer, banaliser ou encore redouter. Tout est servi dans le même panier et dans un sens du détail qui convainc, en laissant les clichés derrière soi, jusqu’à ce que la fascination se confonde avec l’obsession.


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