Quand Abel apprend que sa mère Sylvie, la soixantaine, est sur le point de se marier avec un homme en prison, il panique. Épaulé par Clémence, sa meilleure amie, il va tout faire pour essayer de la protéger. Mais la rencontre avec Michel, son nouveau beau-père, pourrait bien offrir à Abel de nouvelles perspectives….


Théâtre du braquage

Note : 3.5 sur 5.

La présence de Louis Garrel à l’écran se fait plus timide depuis quelque temps, entre deux caméos. Et pour cause, son passage derrière la caméra justifie tout ce tapage. Depuis son adaptation contemporaine d’une pièce d’Alfred de Musset (Les Deux Amis) et le prolongement de ces mêmes rapports amicaux dans un résultat plus bancal (L’Homme Fidèle), le cinéaste est ensuite parti en quête de légèreté (La Croisade). Pour son retour, il double ainsi la mise en venant triompher sur la Croisette avec une comédie policière old school, où le romantisme pourrait bien avoir raison d’un braquage qui cache son coup de théâtre. Parrainé par Christophe Honoré, déjà inspiré par la Nouvelle Vague, Garrel ne cesse de citer ses auteurs fétiches, en y injectant une dose de burlesque, rarement maîtrisée pour ne pas perdre le fil du récit.

Le subterfuge ouvre donc cette croquante parade, où Michel (Roschdy Zem) révèle un double jeu dans son centre pénitencier. L’accroche est efficace et rebondit sur l’idée principale, qui va lentement s’enraciner dans un braquage qui tire à balle réelle. Tout cela va bien évidemment provoquer des conflits familiaux, car c’est toujours en famille que ça se passe et c’est toujours dans la peau de son avatar Abel, que le metteur en scène s’autorise à participer. En reprochant la spontanéité de sa mère Sylvie (Anouk Grinberg) et en alimentant un soupçon de curiosité sur son nouveau mari, fraîchement relâché en liberté conditionnelle, Abel part en vrille et ne cesse d’exhiber sa vulnérabilité pour ne laisser transparaître que le fantôme de lui-même. C’est d’ailleurs un des aspects qui le hante et qui le poussera à conjuguer ses efforts auprès de celui qu’il jugeait malhonnête pour entrer dans son cercle intime.

La magie opère assez tardivement, simplement pour laisser le temps aux personnages d’encaisser la transition vers le thriller, au service de l’émotion et de l’imagination. Il s’agit du point fort du récit et d’un tournant que Clémence (Noémie Merlant) accompagne avec aisance et bienveillance. Si nous pouvions avoir des doutes sur la narration choisie, elle ne sera que plus limpide, une fois que son protagoniste principal aura passé un cap, celui d’accepter l’imprévu et de se l’approprier. À ce jeu, le discours concerne directement les comédiens, qui manœuvrent à la frontière de la fiction et de la réalité. De cette manière, les mots, maniés avec sincérité ne brident plus les émotions qu’ils transportent et c’est ce qui gagne à être découvert à l’écran, avec le regard ludique.

Et finalement, tout le monde peut avoir son propre rôle et ses propres nuances, pourvu qu’il puisse se défaire de ses chaînes, afin de tutoyer une scène plus ouverte que la séquence d’ouverture. « L’Innocent » nous invite donc à épouser la comédie, celle qui guérit et celle qui surmonte les traumatismes. Si Jean-Luc Godard a pu donner un second souffle au cinéma français, Louis Garrel aura au moins été capable de donner une seconde chance en amour pour ses personnages, sensibles et d’une créativité inspirante.


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