Un brillant sergent, Tom Highway qui ne supporte pas le temps de paix, rejoint son corps d’origine, le 2eme régiment de reconnaissance des Marines pour y former les jeunes recrues. Il se trouve confronté à une garnison qui se laisse aller, encadrée par des officiers ambitieux ou inefficaces. Tom Highway prend les choses en mains, entraine les hommes et crée un nouvel état d’esprit. Il retrouve en meme temps sa femme avec laquelle renait une fragile complicité. Alors que les classes touchent a leur fin, les Marines recoivent l’ordre d’embarquer pour un obscur ilot des Caraibes…


A tout engagement, il y déclaration de guerre

Note : 3 sur 5.

Après avoir étendu sa saga avec « Le Retour de l’inspecteur Harry », puis d’être revenu explorer une nouvelle relecture du western avec « Pale Rider, le cavalier solitaire », Clint Eastwood, le talentueux acteur et cinéaste promet une leçon de morale chez les marines des États-Unis. Il y parvient en serrant l’étau entre la réalité et la fiction. Il se sert de ce dernier point afin de caricaturer le soldat moyen dans son élan à la fois modéré et démesuré, une fois sur le terrain. Il cite la bataille de Crèvecœur, ou encore Heartbreak Ridge, lors d’un affrontement sans résultats en Corée. De ce postulat, on met les poings sur la table et on découvrira comment l’homme, innocent, finit par être séduit par la violence, pas toujours synonyme de survie, mais de puissance.

On nous introduit vivement un Tom Highway, d’apparence épuisé, mais le nerf de la guerre le guide encore vers une mission plus réservée. Clint Eastwood lui donne alors un cachet très rassurant, le poussant à encaisser tous les coups, qu’ils lui arrivent au cœur ou à ses principes. Il est ce sergent expérimenté, qui aura vécu deux grandes guerres, sans que la victoire ne vienne le préserver de toute satisfaction. Il guette ce monde enragé qui n’attend plus que de provoquer cet homme qui aura pour but de forger des caractères fots, afin que la victoire soit l’unique option, dès l’engagement dans un combat. Et c’est en formant un groupe de jeunes roublards, pour qui le drapeau a peu de sens, qu’il prendra un ticket pour l’honneur qu’il a perdu dans le passé. Le fossé générationnel qui les sépare est quelques fois exploité au nom de l’humour, mais ce seront davantage les méthodes de Highway qui préoccupera le spectateur et qui le questionnera sur certaines nécessités, vis-à-vis des incohérences dans le système militaire.

La lutte est sur plusieurs fronts, à commencer par cette hiérarchie, qui prétend tenir tous les hommes à leur rang et au garde-à-vous. Les apparences sont trompeuses, c’est bien connu. Si les supérieurs de l’instructeur négligent l’humain dans les sessions d’entraînements, il ne peut pas y avoir de place pour ce genre d’individu qui manipule des vies dans l’unique but de répondre à un cahier des charges. La guerre, c’est comme la vie, il faudra ajuster les conditions et les objectifs selon les contraintes qui se réécrivent constamment. Highway en fait les frais en campant sur ses sentiments envers son ex-épouse et il finit par s’égarer dans la compréhension psychologique de la femme. Cela se traduit par un manque d’humanité, comme on le souligne dans ce camp où les vices n’ont pas lieu d’être, et pourtant, tous les coups sont permis sur le front. L’invasion de Grenade récapitule donc tous les efforts de cette unité qui partait perdant, mais qui finira par trouver sa voie et par ouvrir les yeux sur le danger et les enjeux d’une opération militaire.

La colonie de vacances chez les marines vire ainsi à une réalité qui cumule beaucoup de stéréotypes, pas souvent utiles, mais l’évocation du patriotisme justifie un peu cette maladresse. « Le Maître de Guerre » (Heartbreak Ridge) induit la quête d’un homme d’exception, un modèle à suivre, un modèle sur qui compter aussi bien dans la vie professionnelle que privée. Nous réclamons des émotions derrière ces carapaces ou encore uniformes, qui réduit un groupe à du bétail, prêt à suivre ce berger qui peut également trébucher. Il était du devoir d’Eastwood d’éclairer certains points sur ce que l’on apprend et ce que l’on vit réellement. Ainsi, il nous apprend à accepter le danger de mort, tout en prenant du recul sur les méthodes barbares qui construisent l’idéologie de la guerre et de ses guerriers.


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Une réponse à « Le Maître de guerre »

  1. Passionnante et foisonnante analyse de ce film souvent minoré dans l’œuvre eastwoodienne. Non qu’il soit un opus majeur, mais il est aujourd’hui très intéressant de le mettre en perspective avec d’autres films qu’il a réalisés, qui s’emparent du militaire et de la chose patriotique. Je pense évidemment à son « American Sniper », mais aussi au formidable diptyque sur Iwo Jima. Ce dernier tient une place très particulière car il renvoie au film du même nom signé Allan Dwan, dans lequel John Wayne joue un rôle d’instructeur reprenant en main un groupe de Marines peu motivés. Le parallèle avec le « Maître de Guerre » eastwoodien saut aux yeux et interpelle. Mais il y a ici, comme vous l’avez parfaitement souligné, la référence à la Corée et à cet « Heartbreak Ridge » qui fait de Highway un soldat au cœur brisé autant par les défaites militaires que par ses échecs sentimentaux. Ce qui en fait, je crois, un film bien plus intime et touchant qu’il n’y paraît.

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