Les prix des logements montent en flèche dans les villes du monde entier. Les revenus des habitants ne suffisent plus. « Push » met en lumière un nouveau type de propriétaire sans visage, les villes de plus en plus invivables et la crise croissante qui nous affecte tous.


Un toit pour tous ?

Note : 3.5 sur 5.

Toronto, Valparaíso, Londres, New York, Uppsala, Milan, Barcelone, Berlin, Seoul ou toute autre mégalopole sont tous logés à la même enseigne, celle d’une compilation si conséquence des logements que de cela en devient une hérésie au niveau des conditions de vie. Fredrik Gertten souhaite revenir sur les spécificités de cette crise, toujours d’actualités et qui frappe de nombreux foyers, où l’appât du gain est plus incisif que l’effort, constaté à la redevance des loyers. On pensera immédiatement à la gentrification, mais l’étude de ce dossier convoquera intelligemment les chiffres et les témoignages, pour une approche plus humaine, à l’échelle de ceux qui sont directement concernés par un avis d’expulsion, ouvertement déclaré ou discrètement suggéré dans des procédures amorales.

Pour structurer le tout, le réalisateur suédois nous embarque aux côtés d’une rapporteuse spéciale de l’ONU sur le logement convenable. Leilani Farha mène ainsi son combat, aux plus proches des plaintes et des difficultés d’habitants, dont on ressent instantanément le poids d’une vie sans fuite possible. La ville est synonyme de luxe et est assimilée à un droit que tout individu ne pourra prétendre dans les conditions actuelles. La spéculation immobilière ne suit pas la modeste hausse des salaires et surtout la dispersion des services et charges obligatoires, dont on impute déjà aux locataires, qui ne seront finalement jamais chez eux, mais bien dans un cycle d’alimentation constant, où le monstre financier va continuer de profiter des crises et de la détresse de chacun, en gonflant son capital jusqu’à l’implosion.

Nous n’y sommes pas encore, mais ce documentaire nous démontre bien les limites du capitalisme et ce qu’il ampute aux droits fondamentaux au logement. Quelques intervenants viendront apporter de la nuance et de la clairvoyance dans ce monde en pleine éruption des prix, comme la sociologue Saskia Sassen ou encore Joseph Stiglitz, lauréat du Nobel d’économie en 2001. Nous voyageons ainsi, aux quatre coins du monde, en quête de réponse et pour enfin remonter aux origines d’un mal qui persiste, sous la même forme. Les dialogues avec ces entités sont majoritairement impossibles, ou alors à base de représailles. Et le fait de revenir sur l’incendie de la tour Grenfell à Londres, comme un symptôme du drame, n’est pas anodin. Malheureusement, Gertten ne peut nous inviter dans les hautes sphères du pouvoir, où les lois constituent des instruments aussi malléables que négociables. Un échange est manquant dans la justification du discours opposé, afin de consolider celui de Farha, dont on ne peut qu’adhérer, avec un travail aussi documenté et restauré dans une œuvre forte et nécessaire.

« Push » investit donc dans une dénonciation ouverte, mais ne tombe pas non plus dans le piège soporifique de termes juridiques. Il met le doigt sur une issue, sur la base d’une communauté et d’un mouvement solidaire, qui pourra contester la loi du plus fort, d’un Goliath économique, pas si insaisissable que cela. L’immobilier est plus que jamais devenu un paradis fiscal pour des investisseurs privés et étrangers, qui n’ont plus qu’à laisser dormir leur argent au chaud, tandis que d’autres restent sur le pallier, en attendant que la prochaine saison estivale, voire les suivantes, leur donne plus d’espoirs. Le monde est-il meilleur ailleurs ? Ce documentaire en fait un constat saignant, tout en posant une base de réflexion, à même les cendres de résidents qui n’ont pas toujours eu leur mot à dire, afin de justifier leurs pertes ou leur solitude, face à tant de caprices, dictés par la couleur de l’or et le poids de sa déchéance.


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