Sur une île isolée, un jeune couple pénètre dans un restaurant gastronomique ayant une très bonne réputation. Le chef se lance alors dans un menu sompteux assorti à quelques surprises stupéfiantes…


L’île de la délectation

Note : 2 sur 5.

Dans les tuyaux du « Shameless (US) », « Succession » ou encore du tordu « Ali G », Mark Mylod revient au cinéma avec la ferme intention de nous faire ingérer un menu sordide. La curiosité et l’appétit du spectateur seront les premiers arguments, retenus dans une addition épicée. Accompagné des scénaristes, Seth Reiss et Will Tracy, il reconstitue une brigade à sa manière, sous la direction d’un chef, dont on négligera les étoiles pour en dévorer tout le prestige. Quand bien même le projet a mis du temps à trouver son identité, il convient de se rassurer sur la qualité du service, en accord avec ses ambitions satiriques et cyniques. Ce n’est pas sans rappeler le récent naufrage de « Sans Filtre », qui s’amusait à renverser les rapports de pouvoir entre les travailleurs et les financeurs. Ici, la démarche diffère quelque peu et promet d’embraser les sources de conflit et d’en récupérer l’humiliation après chaque service.

Une réservation pour deux sur une île mystérieuse attend Margot (Anya Taylor-Joy) et Tyler (Nicholas Hoult), un couple qui n’a rien d’alchimique dans le fond. C’est donc sur la forme que l’on va clairement se pencher dans ce dîner concept, où l’on avance avec prudence, des hors-d’œuvre aux desserts. Tous les convives sont réunis pour des raisons qui leur appartiennent, mais qui sont également communes aux intérêts du Chef Slowik (Ralph Fiennes), prêt à en découdre à la force de ses plats élaborés, dont il sera plus facile d’en retenir le dressage que le goût en bouche. Non loin de vouloir nous faire saliver devant une dégustation d’un autre calibre, mais ce rapprochement conceptuel à l’art est pourtant incompatible avec sa quête de la perfection. Alors que le duo se lance à découvrir les plats, les uns après les autres, on se laisse toutefois tenter par l’analyse grossière de leur talon d’Achille, révélé au grand jour autour d’une table et une nourriture qui délira leur langue et leurs complexes.

On oppose ainsi les invités aux cuisiniers, que Slowik contrôle du bout des doigts. Leur rigidité face à une telle entreprise a de quoi inquiéter, mais également questionner sur leur rapport aux plats, qui démantèle les attentes, jusqu’à en dissocier la créativité et l’efficacité. L’exemple du pain que l’on sert sans pain correspond à cette belliqueuse intention, allant de pair avec cette soirée qui ne peut que mal se terminer. Le film élimine hélas trop rapidement ses atouts, le mystère, autour des enjeux, qui une fois connu de toute l’audience, se laissera mourir à petit feu. Cette générosité et cette gourmandise de déni dans la première heure échappent au contrôle du récit, qui force l’espérance des personnages en vain, pour ne laisser qu’un tas de cendre derrière lui. Le fameux duel et dilemme auxquels Margot fait face ne sont pas non plus développés avec l’approche psychologique qu’ils méritent. Tout cela s’avère expédié en l’espace que quelques notes mélancoliques, avant qu’un dernier plat de cœur soit servi.

De ce côté-là, on pourrait y voir des analogies avec le spectaculaire des œuvres cinématographiques, que l’on qualifierait d’auteur, pour la superposer à une exploitation plus modeste, voire plus populaire. L’étude est loin d’être inintéressante, mais le processus balaie tous ses espoirs de convaincre, dès lors qu’elle nous annonce tous ses ingrédients secrets à l’avance. « Le Menu » se targue ainsi de nous fidéliser au plat du jour, mais il passera souvent à côté des délices auxquels il nous convie. Ce n’est ni à la portée d’une relecture à la Agatha Christie ou d’un thriller horrifique bien saignant, car la surenchère associée ne se savoure pas si bien que cela, qu’importe la cuisson, l’assaisonnement, l’accompagnement ou l’accompagnant.


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