En 1962, Curt Henderson, Steve Bolander, Terry Fields et John Milner viennent de terminer le lycée et s’apprêtent à entrer à l’université. A la veille de la séparation, les quatre amis décident de profiter d’une dernière soirée en bonne compagnie et au fil de la nuit les groupes prennent une nouvelle forme.


Keep cruising

Note : 3.5 sur 5.

Il arrive toujours ce moment, au carrefour de l’adolescence et de l’âge adulte, où il faut garder un œil sur son rétroviseur. L’utiliser comme un miroir serait vain et patiner sur place serait une garantie qui ampute ses chances de succès dans l’avenir. George Lucas revient sur cette étape cruciale, en cristallisant l’époque des sixties, où il limitera sévèrement la foule de piétons, afin d’investir les axes urbains de Modesto, en Californie, avec des véhicules qui servent autant de montures aux jeunes qu’un prétexte pour exprimer leurs émotions, le pied au plancher. Cela donne également l’occasion de faire l’état des lieux des archétypes, qui doutent, mais qui tendent fatalement au changement. La chose effraie comme elle peut en émerveiller certains. Dans un rodéo motorisé captivant, le cinéaste américain nous évoque ainsi une perte d’innocence, à l’image de cette jeunesse errance et sans destination.

Un jeune casse-cou du volant, un couple en voie de séparation, un rêveur mythomane et tout un assortiment de prétentieux, tous sont de sortie dans une dernière nuit endiablée, où chacun y raye sa carrosserie. Réglons la radio, ou le juke-box, sur une playlist rock’n’roll et les festivités peuvent commencer. On part chercher des filles, pas éternellement courtisables, ou de l’alcool pour faire comme les grands. L’envie de liberté se lie dans ces détails, que Lucas puise évidemment dans sa propre adolescence, se remémorant sa première voiture, le diner du coin et des courses sauvages qui ont bien failli avoir sa peau. Ce sont autant de traumatisme que le cinéaste compile dans cette bourgade égarée, où les jeunes ne rêves que de grandes villes et de ses grands immeubles. Ici-bas, il n’y a que l’horizontalité qui les réconforte.

Le changement continue donc d’effrayer au fur et à mesure que chacun prend conscience de son caractère irréversible. C’est un sens unique vers l’inconnu, une frontière qu’il s’agit de franchir et de s’affranchir. Lors d’un bal de fin d’année, on danse, on rit, on s’embrasse, mais tout cela n’est qu’un prétexte afin d’invoquer la nostalgie d’une décennie perdue dans le passé. Le fantasmer est sans issue et il serait encore plus futile de la reproduire à l’identique. Tout peut basculer en un instant, des petits larcins à des actes plus condamnables. La folie est donc de mise dans ce ballet de voitures, dont les conducteurs se cherchent et cherchent à séduire la génération qui le suit. L’excès de tendresse en témoigne, mais pas de quoi faire tousser un moteur, qui n’attend qu’une décision pour mettre plein gaz.

De son premier essai avec « THX 1138 », Lucas s’est rapidement vu offert l’opportunité de conter ce « American Graffiti », aux côtés de son producteur, Francis Ford Coppola, qui aura le dernier mot sur cette chronique d’une jeunesse dans l’obscurité. Seuls les néons semblent pouvoir leur indiquer des étapes à suivre, mais aucun d’entre eux ne les incitera à dépasser leurs limites ou à affronter les obstacles. Ce commentaire peut être assez naïf dans le fond, il n’empêche que l’on y croît à cette utopie, qui a vu croiser tout plein de gens, prêts à se rentrer dedans, juste pour prolonger la dose d’adrénaline. Ces détours d’une vie présageaient cependant un avenir glorieux et victorieux, sans l’ombre de la guerre du Vietnam, de l’assassinat de Kennedy ou de tout autre doute à l’horizon. La réussite du film tient ainsi sur cette fine couche de sincérité, dont l’approche documentaire peut en déstabiliser plus d’un.


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