Quelque part dans le Nord de la France, Juliette grandit seule avec son père, Raphaël, un soldat rescapé de la Première Guerre mondiale. Passionnée par le chant et la musique, la jeune fille solitaire fait un été la rencontre d’une magicienne qui lui promet que des voiles écarlates viendront un jour l’emmener loin de son village. Juliette ne cessera jamais de croire en la prophétie.


L’oiseau du matin

Note : 3 sur 5.

Pour l’ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs, Pietro Marcello (Martin Eden, Bella e Perduta) est appelé à embrasser nos attentes les plus folles, notamment celle d’un film d’époque, tourné en France et en français pour l’occasion. Il y adapte le roman « Voiles écarlates » de l’écrivain russe Aleksandr Grin, évoquant une romance universelle et dont la modernité est apportée par le cinéaste. Le ton se prête ainsi au conte, où un crépuscule offre une seconde chance à une famille reconstituée. Père et fille doivent venir à bout de certains regards méfiants et harceleurs dans le but de s’évader un peu plus de ce village, empoisonné par le même déni qui le conditionne à une vie sédentaire et en suspension.

Un homme boiteux (Raphaël Thiéry) revient de la Grande Guerre et retrouve dans son nid une enfant, orpheline de sa mère. Ce mari endeuillé traverse donc cette étape avec une force de caractère qui lui vaut une place dans la menuiserie, là où il s’efforcera de polir le bois et d’éliminer la graisse qui occupe ses pensées. Blessé par la guerre et par les regards du village, il n’est pas forcément le bienvenu et le climat généré par la masse témoigne d’une animosité constante, jusqu’à ce que cela se répercute sur la génération suivante. Le deuxième acte catapulte ainsi la jeune Juliette dans un monde froid et qui ne manque pas de lui rappeler sa différence, elle qui rêve d’un ailleurs meilleur, loin des bois, proche des cieux. Juliette Jouan lui offre ainsi une présence unique, nourrie par une prophétie qu’un certain ermite (Yolande Moreau) viendra défendre, au moment où toute fuite pourrait sembler vaine et contre-productive.

Si la joie anime Juliette, elle devra traverser mille peines avant de goûter au soupçon romantique qu’on lui destine. L’étude passe de la violence rurale à l’émancipation d’un mode de vie porte en elle les rivalités et les contradictions qu’il convient. Ce n’est pas exécuté avec une mise en scène sophistiquée et on restera assez académique de ce côté-là, mais le fameux grain, raccordé à des images d’archives, finit par donner de la consistance pour une narration fluide. Jean (Louis Garrel) tombe alors du ciel pour des raisons d’ego et une maladresse qui compense sur son charme. Ce pilote et aventurier possède les atouts qui pourraient délivrer Juliette de la haine qui s’abat sur sa famille, mais il lui reste assez de temps pour l’apprentissage. Le reste du récit se consacre d’ailleurs à trouver une musicalité, à l’image de l’opéra, qui évolue et transcende ses personnages.

Un tel procédé pourra en noyer plus d’un dans les marécages, tandis que les autres finiront par saisir « L’Envol » que Marcello entretient. D’un conflit à un autre, l’héroïne devra se résoudre à laisser passer l’orage sur son domaine, où la qualité du bois est aussi éphémère que la promesse d’un père qui n’est plus tout jeune. Le film hésite ainsi, en jouant la carte de l’émerveillement, au milieu d’une fièvre qui empêche Juliette d’avoir son libre-arbitre. Malgré l’indépendance et l’autonomie qu’on lui reconnaît, il serait dommage de passer à côté de sa vulnérabilité, qui lui offre un bien meilleur développement, qu’un dénouement au peu trop terre-à-terre.


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