Soudan, près du barrage de Merowe. Maher travaille dans une briqueterie traditionnelle alimentée par les eaux du Nil. Chaque soir, il s’aventure en secret dans le désert, pour bâtir une mystérieuse construction faite de boue.. Alors que les soudanais se soulèvent pour réclamer leur liberté, sa création semble prendre vie…


Forteresse de terre

Note : 2.5 sur 5.

Les portraits de vies mutilées et en résonnance avec une conscience, parfois supérieure à elles, font partie intégrante de la sélection de la Quinzaine cannoise. Le cinéaste franco-libanais, Ali Cherri, déjà connu pour deux courts-métrages, « The Digger » et « The Disquiet », n’hésite donc pas à étoffer le paysage d’une nation africaine à l’agonie et plongée dans la terreur, face à un gouvernement des plus rigides. Ce dernier entretient ainsi l’esclavage des habitants par la rétention d’eau, au niveau du barrage de Merowé. Bastion de leur suprématie et d’un contrôle total sur le courant du fleuve, le récit nous balade entre un format quasi-documentaire et l’allégorie.

Il prend place sous le soleil brûlant au nord du Soudan, où l’on évoquera la collision entre le corps d’un homme et la matière argileuse qu’il manipule. Il s’agit de son dur labeur quotidien, qui le confine et qui le prive de liberté. Maher El Khair, véritable briquetier, n’est plus que l’ombre de lui-même. Il n’est plus que Maher, un homme qui bâtit une structure qui n’a pas d’autres prétentions que de représenter une nature en colère. Cherri parvient ainsi à sonder l’émotion de son personnage à travers le toucher, une sensation boueuse et préventive du futur coup d’état, qui a renversé la dictature d’Omar al-Bashir, un an après le tournage. Les manifestations semblent s’amplifier à la radio, mais la connexion avec ce monde extérieur se fait rare pour Maher, prisonnier de sa condition et d’un éveil spirituel, qui offre au spectateur suffisamment d’éléments pour en étudier les formes. La partition de Robin Coudert ajoute également plus de teneur à cette exploration.

C’est à partir de ce moment que « The Dam » (Le Barrage) se distingue du monstre solide de Merowé, car on entre lentement dans la psyché du protagoniste, en proie au doute et à une fatalité qui ne présage rien de bon. La réussite du renversement politique n’est qu’éphémère, face à une nature, qui aspire la moindre goutte d’eau, avant de catalyser sa mutation, difforme et qui se prête à l’analyse sensorielle. Chacun est libre d’y voir son analogie, mais le format abstrait du cadre peut renvoyer le spectateur à la même solitude que le héros, qui cherche une réponse au bout de son chemin de croix.


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