Asteroid City est une ville minuscule, en plein désert, dans le sud-ouest des États-Unis. Nous sommes en 1955. Le site est surtout célèbre pour son gigantesque cratère de météorite et son observatoire astronomique à proximité. Ce week-end, les militaires et les astronomes accueillent cinq enfants surdoués, distingués pour leurs créations scientifiques, afin qu’ils présentent leurs inventions. À quelques kilomètres de là, par-delà les collines, on aperçoit des champignons atomiques provoqués par des essais nucléaires.


La peur du vide

Note : 3.5 sur 5.

Il n’y a qu’un pas de notre siège à l’écran, de même qu’il n’y a qu’un pas entre la scène de Wes Anderson et le public. Toujours attendue avec ses mimiques programmatiques, l’identité visuelle de son cinéma reste inimitable et d’une grande fluidité. Là où ça peut ponctuellement coincer, c’est au niveau de sa narration, limitée par ses propres codes de composition et du mouvement. Ce fut le cas dans son dernier film, The French Dispatch, une succession de trois sketches qui se reposait plus sur ses bases qu’il n’explorait de nouvelles possibilités, exception faite d’une brève course-poursuite animée. Qu’attendre d’autre qu’un plongeon au cœur de l’inconnu, encore une fois, dans son nouveau conte loufoque.

En dépit d’un tapis rouge d’exception sur la Croisette, car nous connaissons suffisamment bien le prestige que génère de cinéaste texan pour commencer à appréhender sa dernière œuvre par son casting, les stars parviennent à s’effacer derrière les caricatures qu’ils campent respectivement. Mais que l’on ne s’y trompe pas, c’est bien beau pour les yeux, mais le sensationnel prévaut dans le cœur même du récit, et parfois du récit dans le récit. Il y a donc bien deux points de vue qui miroitent, jusqu’à ne faire qu’un en bout de piste. Et pour ne pas gâcher le malin plaisir de découvrir sa forme finale en salle, on se concentrera sur ce qui est palpable à la surface d’Asteroid City, une bourgade très cartoonesque, qui n’attend que ses convives pour se mettre à table.

C’est ainsi que le film s’ouvre. Une locomotive tracte une cargaison de personnalités qui apportent avec eux plus de névroses qu’ils ne possèdent de bagages. D’autres préfèrent la voiture familiale, jusqu’à ce que la destination soit atteinte, et on y parvient, malgré les pannes insolites. Le surnaturel s’invite plus que jamais dans ce qui semble être une cérémonie de fortune pour les petits génies scientifiques, accompagnés de leurs parents. On questionne alors l’harmonie des différents groupes, trop nombreux pour les citer pertinemment, mais entre la pédagogie d’une jeune enseignante et une romance volée à travers les fenêtres de deux bungalows, on en oublie presque les essais nucléaires à l’horizon ou la présence de la météorite qui a donné naissance à la ville.

Grâce à un tempo comique implacable, a contrario des allers-retours permanents que le dramaturge fait entre l’action et sa conception, on se laisse porter par la scène suivante, dont la symétrie nous paraît moins convenue. Cette auto-analyse a de quoi en déboussoler plus d’un, malgré une élégance vintage sans prétention. Wes Anderson se rapproche simplement, mais habillement de son Moonrise Kingdom, avec une maturité qu’il injecte un peu partout dans son imaginaire. Il est facile de le croire plus mélancolique que jamais et c’est ce qui fait indéniablement sa force dans cette mise en quarantaine chez les barjots.

Revenons un instant sur la virtuosité d’un cinéma qui mêle les maquettes, l’animation en stop-motion, la CGI et les prises de vues réelles. L’arrivée du train, que l’on a cité plus haut, ne se situe peut-être pas à la Ciotat, mais la séquence est la preuve supplémentaire qu’une révolution est en marche chez Anderson. S’il vous en faut plus, accourez vers la salle la plus proche pour ne pas manquer ce rendez-vous incongru et qui ne vous laissera pas indifférent. Asteroid City saura vous happer à travers tout un lot d’émotions que l’on n’a pas ressenti depuis un moment. Pourvu que ça ne s’arrête pas de sitôt !


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4 réponses à « Asteroid City »

  1. Je n’ai pas encore accouru mais ce n’est pas l’envie qui manque, surtout après avoir savouré ton article. Un Wes Anderson en pleine forme apparemment !

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    1. J’ai pris le train pour Asteroid City mais hélas, je n’y ai pas trouvé mon compte. Grosse déception malgré les belles poupées, les jolis décors et deux ou trois fantaisies qui trainent dans ce désert d’idées.

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      1. Navré que tu n’ais pas pleinement pu profiter de l’excursion. La démonstration est en effet davantage esthétique et le fond méta souffre du trop-plein de personnages fantomatiques.

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      2. Son petit décor commence à trouver ses limites.

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