Après avoir passé plus de dix ans à enseigner au Hunter College de New York, l’estimé docteur Jones, professeur d’archéologie, est sur le point de prendre sa retraite et de couler des jours paisibles.


Jouer avec le temps

Note : 1 sur 5.

En matière de fossiles, la majorité des licences n’ont plus le privilège de reposer en paix. L’histoire des droits et des vagues nostalgiques ne fait donc pas bon ménage, quand bien même notre archéologue préféré revient sur le devant de la scène pour sa dernière virée. Sous l’impulsion de George Lucas, tonton Spielberg a régalé les écrans des années 80 et 90, sans oublier qu’il y a toujours de la sensibilité cachée derrière chaque aventure. Le Royaume du Crâne de Cristal fut le film de commande de trop pour ce grand enfant, qui a précédemment tiré sa révérence avec sa saga, dont il a injecté toute son âme et son amour pour la figure paternelle.

Malheureusement, Lucas Film continue d’être vampirisé jusqu’à la moelle, à tel point que James Mangold subit les mêmes frais sous le joug d’un studio qui continue d’étirer ses grandes oreilles. Celui qui n’a pas démérité le succès avec Le Mans 66 et surtout avec le chapitre final de X-Men fatigués dans Logan n’est plus qu’un outil de communication, comme toutes les autres stars à l’affiche par ailleurs. L’espoir que l’on pouvait couver n’est donc pas converti et renvoie encore plus vite Indiana Jones dans sa tombe.

Comment est-il possible de prolonger un tel supplice quand il n’y a plus rien de cohérent d’entrée de jeu ? Exit le fiston (Shia LaBeouf) et l’épouse Marion (Karen Allen), on enlève tout ce qui peut freiner les envies du professeur pour que le voyage reprenne, tout en lui ajoutant des enjeux qui ne sont plus de son âge. Il a fallu poser un nouveau contexte sur le nouveau McGuffin dans une ouverture où Harrison Ford et Mads Mikkelsen se prennent le chou dans les années 40. Si la technologie de rajeunissement peut encore surprendre, sa précision est limitée en surface. En effet, difficile de retrouver les mimiques des comédiens dans cette substitution numérique douteuse. On se réconforte seulement avec le rythme effréné que Mangold insuffle dans sa version revisitée du western, un peu à l’image de 3h10 pour Yuma, mais avec tout un cortège de la Wehrmacht.

Passé cette introduction qu’on aurait bien apprécié deux décennies plus tôt, on retombe sur ce vieillard boiteux et dont les rides cachent bien des cicatrices de guerre. Autant dire que l’intensité n’y est pas, excepté pour nous assommer. L’envie de bien faire, de respecter la patine de la fin des années 60, avec le premier pas sur la Lune comme marqueur temporel, on en oublie alors l’essentiel. A trop vouloir marquer le coup en ressuscitant l’archéologue avec son fouet, on cède une fin de carrière émouvante et palpitante pour une icône qui ne méritait pas moins. La Dernière Croisade avait déjà poussé Indi à renouer avec son paternel. Il doit dorénavant faire la paix avec lui-même, dans une solitude que le spectateur peut facilement partager avec le personnage, car on ne lui donne même plus l’opportunité de se sacrifier pour de bon. Et le pauvre John Williams n’a également plus rien à offrir dans ce récit testamentaire, dont le pillage de tombe continue d’alimenter la désolidarisation avec l’empire du rêve.

Allier un papi grincheux en opposition à l’irrévérence de sa filleule, Helena (Phoebe Waller-Bridge), est une belle découverte qui ne suffit pas à nous impliquer davantage dans cette odyssée de la dernière chance. L’intention est palpable, puis tout s’effondre dans les minutes qui viennent. Sans audace et dans une formalité alarmante, on ne peut que timidement tirer son chapeau. Ce sera donc tapis rouge sans champagne pour ce retour aux sources, car Indiana Jones et le Cadran de la destinée n’est pas la sortie de piste idéale que l’on aimerait garder en mémoire. La faute à qui ou à quoi, peu importe du moment qu’on y trouve la sensation d’avoir voyagé à travers l’espace et le temps, comme on nous l’a initialement promis. Il ne faut malheureusement pas s’accrocher à nos fantasmes à l’image du héros, de toute évidence trop fatigué et trop abîmé pour ne serait-ce que rejoindre le musée dans la collection des antiquités.


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5 réponses à « Indiana Jones et le cadran de la destinée »

  1. Avatar de Vampilou fait son Cinéma
    Vampilou fait son Cinéma

    J’ai grandi avec cette franchise, le dernier opus m’a fortement déçu et j’ai très peur de celui-ci, autant dire que tu ne me rassures pas 😂 Pour autant, mon petit cœur de fan a tout de même hâte de pouvoir le voir !

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    1. C’est pareil pour moi, comme toi j’ai sauté sur la première occasion pour revoir le héros Spielbergien qui m’a donné le sens de l’aventure. 😁
      Le précédent était un film de commande qu’il aurait pu/dû refuser. Et avec le recul on pouvait au moins retrouver sa patte par moment. Ici, Mangold fait avec ce qu’il peut mais on sent le fort cahier des charges qu’il ralentit sa démarche.
      Peut-être qu’il s’agit d’une passerelle pour exploiter l’univers d’Indi dans d’autres formats (série/saga spin-off, comme Rocky et Creed). Dans tous les cas, je n’ai pas su retrouver le héros qui m’a tant fait rêver ni celui dont la mélancolie aurait dû me toucher. 😅

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  2. Eh bien voilà notre Indy fusillé pour de bon. Et j’ai bien peur d’être à mon tour dans le peloton. Pire, j’ai aggravé son cas en revoyant juste avant « les Aventuriers de l’Arche Perdue », histoire de bien mesurer l’abyme (du temps) qui le sépare de la mécanique soporifique de ce « Cadran de la Destinée ». Pas assez de Nazis en décomposition, en beaucoup trop de momie d’archéologue.

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    1. Nous sommes bien d’accord, malheureusement. Il serait temps de sceller ce musée pour de bon.

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      1. Pas sûr que les retours soient à la hauteur des 300 millions d’investissement de départ, ça devrait nous épargner une autre suite inutile. Mieux vaut investir dans la poupée ou le nucléaire actuellement. 😉

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