Narvel est un horticulteur dévoué aux jardins de la très raffinée Mme Haverhill. Mais lorsque son employeuse l’oblige à prendre sa petite-nièce Maya comme apprentie, le chaos s’installe, révélant ainsi les sombres secrets du passé de Narvel…


Les fleurs du mal

Note : 2 sur 5.

44 ans depuis Hardcore, Paul Schrader vient boucler sa trilogie thématique d’une humanité déchue et en pleine confession. First Reformed et The Card Counter nous ont laissés méditer sur la rédemption respective de leur héros. La violence est toujours un moyen pour parvenir à ses fins chez ce cinéaste, en témoigne les nombreuses mises à mort dans ses climax cathartiques et significatifs. Ayant pu faire ses armes chez l’admirable Martin Scorsese, Shrader boîte cependant dans les lignes droites les plus courtes. On ne réinvente rien, le récit est programmatique pour les connaisseurs. Quant aux autres, il faut espérer avec le cœur léger pour se laisser cueillir par un univers floral, réunissant à la fois des bourgeons et des fleurs fanées. Notons alors que le héros principal tient le rôle d’une mauvaise herbe.

Dans le sud des États-Unis, nous débarquons à Gracewood Gardens, propriété de la raffinée Norma Haverhill (Sigourney Weaver), dont l’autorité et le charme font écho à l’ancienne plantation d’esclaves qui lui sert à présent de logis. Son homme à tout faire, également jardinier en chef, s’acquitte de la noble tâche d’entretenir la flore. Narvel Roth (Joel Edgerton) conclut ainsi des pactes solennels avec les plantes, dans l’espoir qu’elles lui offrent de l’épanouissement en retour, comme pour dissimuler le passé criminel qu’il contient dans sa solitude. Une voix-off vient appuyer sa détresse avec un entrain que le cinéaste maîtrise avec le temps. Le rythme repose sur la routine monotone de cet ancien suprémaciste qui n’a plus que l’horticulture pour enfin être réhabilité dans un monde qui a oublié son existence.

Ce dernier couche, sans surprise, ses pensées dans un journal intime, qu’il soit fait de papier ou d’une bibliothèque mentale, ne se mentant que rarement, mais refusant toujours l’éventualité d’une vie heureuse, loin de la violence qui a figé sa personnalité en une sculpture végétale. Préférant renifler sa terre de trop près au lieu de sauter par-dessus la haie qui le sépare du monde contemporain, il patiente le temps de réaliser le meilleur bouquet qu’il n’a jamais eu l’occasion de collecter. De cette façon, il expie ses péchés. Cependant, l’irruption de la nièce de Norma, Maya (Quintessa Swindell), trouble alors l’équilibre des lieux, car la jeune demoiselle souhaite également s’arracher les beaux yeux du jardinier. Tandis que Norma l’admire en surface, Maya parvient à lire dans le cœur saignant de Narvel.

La romance germe ainsi dans une seconde partie, nettement moins emballante, notamment lorsque Paul Schrader se permet d’invoquer tout un jardin numérique comme le voyage halluciné et hallucinant d’un couple à l’opposé des mœurs. La différence d’âge et de couleur de peau s’ajoute aux déclinaisons du racisme ambiant que Norma ne prend pas la peine de cacher. Elle se place au milieu d’un amour interdit, mais cet amour semble vital pour ces deux êtres égarés. Malheureusement, difficile de croire en cette relation idyllique, à contrario du message universel de l’œuvre, qui autorise le Master Gardener à couper ses racines pour en créer de nouvelles. Dans le fond, tout paraît naturel mais dans la forme, on marche sur une pelouse synthétique. La cueillette ne sera pas bonne pour tout le monde, alors mieux vaut prévenir que guérir.


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