Quand Priscilla rencontre Elvis, elle est collégienne. Lui, à 24 ans, est déjà une star mondiale. De leur idylle secrète à leur mariage iconique, Sofia Coppola dresse le portrait de Priscilla, une adolescente effacée qui lentement se réveillera de son conte de fées pour prendre sa vie en main.


Barbie girl

Note : 3 sur 5.

Avec le sentiment dépaysement dans les obligations familiales et professionnelles, Priscilla attend sagement l’opportunité qu’on la délivre de sa forteresse de solitude. Certaines histoires d’amour naissent souvent dans le fantasme, la désillusion et la douleur. Priscilla n’a pas eu droit à ces étapes clé de l’adolescence, elle qui étouffe de la nonchalance d’une rockstar, loin d’être aussi émotif que sa « babydoll ».

Si tout le monde connaît le succès du roi du rock’n’roll, ce n’est pas l’image qu’il renvoie lors de leur première rencontre. Même en dehors de la scène, une star est sollicitée, mais ce n’est pas nécessairement le cas de Priscilla, qui découvre simplement Elvis (Jacob Elordi). Malgré tout, Sofia Coppola a une idée bien tranchée du bonhomme et n’hésite pas à faire de lui une sorte de prédateur sexuel, plus discret que son compatriote qui s’est rapidement brûlé les ailes avec ses grandes boules de feu, Jerry Lee Lewis. On ne peut pas dire qu’ils partagent le même destin, mais c’est une autre paire de manche pour leur jeune épouse respective. Ce film, comme tant d’autres dernièrement (Spencer, Blonde, La Femme de Tchaïkovski, Corsage, Jeanne Du Barry), revient sur le contrechamp des conventions sociales masculines et misogynes qui ont piégé les femmes dans l’ombre des hommes, des femmes pour qui cette nouvelle forme de captivité ne coïncide plus avec le rêve enchanté d’autrefois.

Loin des portraits aussi inspirants que ceux d’Emily ou de Marinette, la talentueuse Cailee Spaeny est appelée à bouleverser le rapport de force avec le personnage d’Elvis Presley. En laissant le maquillage, la coiffure et les costumes la priver de son caractère naturelle et sensuelle, la comédienne parvient à incarner une Priscilla Beaulieu subtile et à la force tranquille. Comme Olivia DeJonge avant elle dans Elvis de Baz Luhrmann, elle a affaire à une success story au gôut de cachets amers et non prescrits par un médecin raisonnable. Toute une vie ponctuée par la débauche, mais abondement arrosée d’une relation de couple distante, jusqu’à un mariage qui ne ressemble en rien à une célébration.

Priscilla est passé du pays imaginaire à la dure réalité du showbiz depuis sa cage dorée de Graceland, un peu comme Marie-Antoinette à Versailles. Tout cela figure dans le mémoire Elvis and Me, où quatorze ans de passion et d’agonie sont recensés dans cet union. À l’heure où les femmes sont plus que jamais écoutées, le film laisse toute la liberté à son personnage mutilée de se réinventer et de s’exprimer de sa propre voix. Cela se fait en hors-champ du cadre idyllique qu’Elvis semble à tout prix vouloir remodeler, à la façon d’une Barbie bien sage, et contrôler, faute d’en avoir sur son manager intransigeant. Ces soucis surnagent ainsi face à un début de vie en apnée terrifiant pour une mariée qui se reveille chaque matin sans amour ni glamour.

La réalisatrice de Virgin Suicides et de Lost in Translation confirme de nouveau son aisance et son efficacité à capturer la détresse de ses personnages féminins, à mesurer les limites du corps et de l’esprit. Elle nous gratifie ainsi d’une vulnérabilité qui a échappé à beaucoup et qui a le mérite de prendre la même direction que Thelma et Louise, tout en laissant la destination en suspens. Bien évidemment, si vous êtes de passage pour vous enjailler sur les tubes du King, rebrousser chemin. Il s’agit ni plus ni moins de l’histoire de Priscilla, une héroïne qui rejoint admirablement dans le jardin des rescapées mélancoliques de Sofia Coppola.


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2 réponses à « Priscilla »

  1. Très belle critique !
    Je suis moins convaincu par le fond du film qui me semble un peu trop sage et présente une vision de Priscilla un peu trop cosmétique. Néanmoins, elle s’inscrit parfaitement dans les motifs coppoliens et dans ce cycle des contre-champs de célébrités (à quand le biopic sur Pamela Courson?), passionnants même s’ils ne sont pas tous pareillement inspirés. Celui-ci m’a plus fait soupirer qu’autre chose, mais je salue l’interprétation.

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  2. Merci à toi !
    Je commence à ressentir une lassitude autour du procédé narratif de Coppola malgré tout. Et je te rejoins sur le fond, qui manque d’éclater comme « Spencer » à Sandrigham House, sorte de face cachée du palais de Buckingham.
    Il est vrai que les portes ouvertes par Oliver Stone peuvent être retapées à travers les yeux de Pamela Courson, bien vu.

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